Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
PRIS AU PIEGE- CAUGHT STEALING ★★★☆☆
De Darren Aronofsky
L’essentiel
Austin Butler aimante l’écran avec sa dégaine de loser magnétique dans cet After Hours sous amphétamines où l'insolence créative du réalisateur de Black Swan, loin de sa zone de confort, se savoure sans modération
C’est un film malpropre et un peu azimuté, façon After Hours sous amphétamine. L’adaptation d’un roman de Charlie Huston par le Darren Aronofsky le plus décontracté qu’on ait jamais vue. Un calvaire narratif, une danse punk au-dessus de l’East Village où Aronofsky s’éclate à ressusciter les codes visuels du New York fin 90’s, terrain de jeu nocturne où bars miteux, ruelles puantes et stations de métro se transforment en zones de guerre absurdes. C’est dans cet écosystème toxique qu’un ancien phénomène du baseball (Austin Butler, extraordinaire) vit et s’apprête à voir le monde s’effondrer autour de lui…Aronofsky, auteur adulé souvent engoncé dans les références, a décidé ici de muscler son jeu ludique. A mi-parcours, tout part en vrille; toutes les mafias se liguent contre le héros qui n’a rien demandé et son chat devient l’enjeu de toutes les embrouilles. On assiste à une démonstration de style un peu étourdissante jusqu’au générique final. Certes, ce n’est pas le film qui définit le corpus d’Aronofsky, mais c’est celui qui montre un cinéaste prêt à prendre tous les risques. Et parfois, cette insolence créative est la chose la plus excitante qui soit.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
FANTÔME UTILE ★★★★☆
De Ratchapoom Boonbunchachoke
March, brisé par la mort de sa femme Nat, victime de pollution à la poussière, découvre que l’esprit de celle- ci… s’est réincarné dans leur aspirateur ! Une situation de départ bien barrée que le cinéaste va pousser jusqu’au bout en refusant la facilité de se limiter à un pur film- concept. Puisqu’à peine reconstitué, ce drôle de couple va se confronter à la famille de March, rétive à cette relation surnaturelle car elle- même hantée par un fantôme, apparu à la mort d’un ouvrier qui a causé la fermeture de leur usine. Et que, pour prouver son utilité, Nat entreprend de nettoyer cette usine et la libérer de ses âmes errantes. Fantôme utile bascule alors de la comédie vers un film politique à travers la volonté de cette famille d’éradiquer le souvenir des ouvriers maltraités par leur soin. Cette fable à l’écriture ciselée et à la mise en scène élégante met son humour décapant au service d’un véritable pamphlet contre une société orwellienne dominée par la surveillance et la répression. Avec à la clé un Grand Prix de la Semaine de la Critique cannoise totalement mérité
Thierry Cheze
Lire la critique en inégralitéBONJOUR LA LANGUE (IMPROMPTU) ★★★★☆
De Paul Vecchiali
À des années- lumière de l’idée pontifiante qu’on se fait d’un film posthume, se trouve Bonjour la langue. D’une simplicité désarmante, tourné en totale improvisation en une journée et achevé neuf jours avant son décès, l’ultime film de Paul Vecchiali prend les airs d’un film comme les autres. Même s’il est évidemment bouleversant d’y voir le cinéaste, alors âgé de 92 ans, attendre devant chez lui tandis qu’arrive son fils de fiction (Pascal Cervo, son acteur fétiche), qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années. Par des champs- contrechamps économes mais d’une grande élégance, les deux compères discutent et se réconcilient, faisant des quelques décors le lieu sacré de discussions fondamentales, vitales. On pense à d’autres films de Vecchiali (Trous de mémoire, Le Cancre) devant ce Bonjour la langue qui rappelle à quel point ce cinéaste a bâti une œuvre trop méconnue du plus grand nombre certes mais d’une splendide cohérence.
Nicolas Moreno
PREMIÈRE A AIME
LA FEMME QUI EN SAVAIT TROP ★★★☆☆
De Nader Saeivar
Co- écrit par Jafar Panahi et réalisé clandestinement, La femme qui en savait trop en appelle à la révolte face aux féminicides occultés : Tarlan, une femme retraitée, assiste au meurtre de sa fille adoptive, une prof de danse dont le caractère farouche déplait à son mari, un homme haut placé. Dans sa quête de justice, Tarlan se retrouve coincée dans un engrenage où chaque rouage révèle le dysfonctionnement de la société iranienne. Même s’il s'appuie trop lourdement sur un symbolisme rudimentaire, le scénario est rehaussé par des choix de mise en scène qui offrent une approche singulière au sujet, préférant l’irrésolution à la satisfaction, la simplicité au mélodrame, la lenteur à la précipitation, afin de refléter une dure réalité : face aux féminicides, l’injustice demeure.
Lucie Chiquer
MIROIRS N°3 ★★★☆☆
De Christian Petzold
Après Ondine ou Le Ciel rouge, Cristian Petzold confirme avec ce Miroirs n°3, découvert à la Quinzaine des cinéastes, qu’il est l’une des voix les plus singulières du cinéma allemand. Son héroïne – campée brillamment par son actrice fétiche, Paula Beer – est une Berlinoise victime d’un accident de la route auquel elle échappe mais qui coûte la vie à son petit ami qu’elle n’aimait plus. Et alors qu’on pense que Miroirs n°3 va suivre sa reconstruction, le récit bifurque et se concentre sur la relation que la femme qui l’a recueillie, va nouer avec elle. Toujours mu par un sens aigu du romanesque, Petzold teinte ici son drame de surnaturel et même de burlesque. Et signe une déroutante fable autour du deuil, riche en non- dits peu à peu révélés, dont les personnages tentent, chacun à leur manière, de se libérer de leurs fantômes. Le tout construit comme un puzzle dont chaque pièce en apparence éclairante ne fait que rajouter de l’ambiguïté. Aussi envoûtant que désarçonnant.
Thierry Cheze
LE SANG ET LA BOUE ★★★☆☆
De Jean- Gabriel Leynaud
Le coltan est un minerai précieux. C’est à partir de ce métal que sont, en effet, fabriqués les condensateurs de nos appareils électroniques. La terre de la République Démocratique du Congo en est fertile et incite des populations pauvres à l’extraire à mains nues dans des conditions rendues encore plus dangereuses par les règlements de compte entre groupes armés. Ce documentaire suit femmes, hommes et enfants dans cet enfer montagneux et pose un regard lucide sur l’une des nombreuses aberrations de notre monde moderne.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LE ROI SOLEIL ★★☆☆☆
De Vincent Maël Cardona
Le Roi Soleil, c’est le nom du bar- tabac versaillais, où commence l’action du film, au petit matin, réunissant quelques clients : un urgentiste, un fêtard en pleine descente, deux flics sortant d’une nuit agitée et un vieil habitué des lieux, qui apprend sous les yeux de l’assemblée qu’il vient de gagner une fortune au Loto. A peine le temps d’encaisser la bonne nouvelle qu’il se fait braquer, puis tuer... Les témoins du drame réagissent en se disant qu’ils pourraient se partager le pactole, en réarrangeant un peu la vérité… Voilà pour le point de départ du deuxième long de Vincent Maël Cardona, après Les Magnétiques. Un film noir au confluent de Reservoir Dogs, du Million de René Clair et de Smoking/No Smoking. Passé la mise en place amusante et le casting de comédiens bien-aimés, le film finit malheureusement par se perdre dans ses ramifications alambiquées, de moins en moins crédibles au fil de la projection. Un film sur l’art de (se) raconter des histoires aurait eu besoin d’un script au cordeau.
Frédéric Foubert
EN PREMIERE LIGNE ★★☆☆☆
De Petra Volpe
Il y a des films qui pâtissent de leur date de sortie, débarquant après tout une série d’œuvres ayant non seulement abordé le même sujet mais surtout marqué les esprits. Découvert à la dernière Berlinale, le nouveau long de la réalisatrice des Conquérantes (sur la libération des femmes suisses post- 68) met en scène le quotidien éprouvant d’une infirmière suisse tentant de palier par une dévotion totale le sous- effectif de l’hôpital où elle travaille. Mais que raconter de plus et comment y parvenir face à toutes les séries, fictions ou documentaires qui ont récemment pointé ce monde en souffrance, d’Hippocrate à Madame Hofmann en passant par La Fracture ou, à sa manière, L’Intérêt d’Adam ce mois- ci ? En dépit de l’excellence de la composition de Leonie Benesch (La Salle des profs), En première ligne ne trouve aucune réponse à ces problématiques et la tension que le récit ambitionne de provoquer s’abime forcément avec cette sensation de déjà (beaucoup) vu.
Thierry Cheze
PREMIERE N'A PAS AIME
LA GUERRE DES ROSE ★☆☆☆☆
De Jay Roach
Ça commence par une reprise un peu molle du Happy Together des Turtles. Excellente façon, involontaire, de donner le ton d’un film qui est lui-même une « reprise » inutile, remake délavé et fade d’un petit classique de la comédie US, signé Danny DeVito en 1989. La Guerre des Rose millésime 2025 ne fonctionne absolument pas, et on croit d’abord que c’est parce que le règlement de comptes cartoonesque entre les époux Rose (Olivia Colman et Benedict Cumberbatch), intervient trop tard, après une longue heure et demie d’introspection tortueuse, pénible thérapie de couple entrecoupée de petites piques vachardes – mais pas bien méchantes, ni savoureuses. Puis on revoit le film original, et on se rend compte qu’il obéissait à la même structure Pourquoi alors est-ce que ce qui marchait si bien à l’époque s’effondre totalement ici ? Questions de style, de rythme, de point de vue, de talent dans la façon de saisir l’air du temps. Là où DeVito savait très bien où il allait, passant méthodiquement de l’étude de mœurs au jeu de massacre, la version de Jay Roach donne au spectateur l’impression d’assister en direct au laborieux brainstorm d’une équipe d’auteurs se demandant comment moderniser La Guerre des Rose. Sans jamais y parvenir.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéFAMILY THERAPY ★☆☆☆☆
De Sonja Prosenc
Sur une route déserte, une famille de nouveaux riches fonce sans se soucier de la voiture en panne sur le bas- côté, dont les occupants, bien moins aisés, vont venir frapper à la porte de leur maison de luxe, que leur ouvre le fils français de ce père bourgeois, né d’une précédente union et élevé loin de leurs codes. Lorgnant du côté de Parasite et de Yorgos Lanthimos, Family therapy ambitionne de parler lutte des classes par le prisme de la satire misanthrope. Mais tout est si appuyé que rien ne fonctionne. Ni la comédie, ni le changement de ton totalement factice vers le drame.
Thierry Cheze
Et aussi
Escape from the 21st century, de Yang Li
Les reprises
A toute épreuve, de John Woo
Diva, de Jean- Jacques Beineix







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