Dans Aquarius, celle qu’on surnommait la "Marylin Monroe d’Amérique du Sud" trouve le rôle de sa vie.
Aquarius, chef-d’œuvre du surdoué Kleber Mendonça Filho, était présenté à Cannes, en mai 2016. Nous avions alors rencontré son actrice principale, qui sera à l'honneur ce soir, sur Arte. A l'occasion de la première diffusion du film, en clair, retour sur cet entretien mémorable, en attendant de (re)voir Aquarius, et de découvrir le nouveau projet du cinéaste, Bacurau, cet été. Notez que sa première réalisation, Les Bruits de Recife, sera proposée ensuite, à partir de 23h15.
Le prochain film du réalisateur d'Aquarius sera un Délivrance version science-fictionIl y a ceux qui la connaissent pour ses rôles fiévreux dans quelques films brésiliens clés des années 70-80 (Dona Flor et ses deux maris, Le Baiser de la femme araignée). Ceux qui se souviennent d’elle dans des films signés Redford (Milagro) ou Eastwood (La Relève). Puis ceux qui vont faire sa connaissance dans Aquarius, chef-d’œuvre du surdoué Kleber Mendonça Filho. Sonia Braga, 65 ans, sex-symbol éternel, est de retour au Brésil après un long exil américain, pour cette sublime méditation poétique sur le temps qui passe et la stupeur d’être en vie. Rencontre avec une icône que son réalisateur décrit comme « une force de la nature ».
Première : Sonia Braga, quand on vous arrête dans la rue, c’est pour vous parler de quel film ?
Sonia Braga : Ça dépend si on est à Cannes ou au Brésil, si la personne qui me parle à 20 ou 60 ans… Il y a plein de petits Brésiliens des années 70 – ils ont tous aujourd’hui les cheveux gris – qui me connaissent grâce à Sesame Street ! J’étais un pilier de l’émission à l’époque. Ils croisent mon chemin et retombent immédiatement en enfance.
Moi, l’image que j’ai de vous…
C’est que je suis un sex-symbol ?
Non, euh… enfin si, mais j’allais vous parler de la scène de La Relève dans laquelle vous violez Clint Eastwood. Moi, c’est ça qui me fait retomber en enfance. J’ai vu le film au cinéma avec mes parents quand j’étais petit…
Ils t’ont emmené voir ça ? J’espère que ça ne t’a pas traumatisé ! Le tournage de cette scène était un moment hallucinant. Déjà, c’est assez étrange quand ton réalisateur te dit de t’asseoir sur ses genoux pour le violer : « Donc, là Sonia, tu vas t’asseoir sur moi, mettre tes jambes comme ci, comme ça… » Et c’est encore plus surréaliste quand c’est Eastwood. Bien sûr, pendant ce temps-là, Clint restait imperturbable.
C’était l’époque où vous découvriez les gros films américains…
Oui. Raul Julia était au générique de La Relève, on avait joué ensemble dans Le Baiser de la femme araignée. Je nous revois sur le plateau du film de Clint, quand un assistant a hurlé dans son mégaphone : « ENVOYEZ L’HELICOPTERE ». C’est là que Raul et moi avons compris qu’on avait changé d’échelle. Au Brésil, c’est plutôt : « ENVOYEZ LA BICYCLETTE ! »
Vous connaissiez Kleber Mendonça Filho avant qu’il ne vous propose de jouer dans Aquarius ? Vous aviez vu son premier film, Les Bruits de Recife ?
Non, mais mon ami Caetano Veloso n’arrêtait pas de m’en parler. Kleber devrait l’embaucher comme attaché de presse ! J’ai donc fini par le regarder, j’étais très impressionnée. C’est vraiment un film qui invente son propre monde, son propre langage. Après ça, je me suis jeté sur le script d’Aquarius. Ça a été magique. Une révélation. J’avais toujours rêvé d’une telle connexion avec un réalisateur. Ma rencontre avec Kleber, c’était comme retrouver un jumeau dont j’aurais été séparée à la naissance. D’une façon plus prosaïque, j’étais aussi très heureuse, parce que ma carrière ronronnait un peu depuis quelques années.
Vous aimez revoir vos anciens films ?
A l’occasion, oui. Attention, hein, je ne suis pas comme Gloria Swanson dans Sunset Boulevard ! Mais je suis toujours contente de tomber sur un extrait de Dona Flor ou du Baiser de la femme araignée. J’aime bien mes vieux soap operas aussi.
Je vous imagine vivant comme votre personnage d’Aquarius : dans un grand appartement, entouré de vos souvenirs…
Je garde tout. J’ai un petit mot de Clint griffonné sur une serviette de restaurant, un dessin que Fellini a fait de moi… Mais tout est dans une boîte, au grenier. Vivre entouré de ses souvenirs, c’est comme être en prison.
La bande originale d’Aquarius est somptueuse. Si vous ne deviez retenir qu’un seul moment musical du film ?
J’adore quand Clara rentre chez elle et qu’on entend ce morceau de Roberto Carlos, « O quintal do vitinho ». C’est une scène toute simple, mais justement : la simplicité au cinéma, c’est très compliqué ! Là, soudain, l’action s’arrête et on n’entend plus que la musique. C’est beau, très profond. Comme une machine à remonter le temps. Kleber orchestre ça merveilleusement. Dans ces moments-là, il me fait penser à Kubrick.
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