L’histoire de The Thief and the Cobbler est si incroyable, que l’on s’étonne qu’il ait fallu attendre Persistence of Vision de Kevin Schreck pour qu’un réalisateur décide d’y consacrer un documentaire.30 ans d'obsessionThe Thief and the Cobbler (Le Voleur et le cordonnier) est le rêve d’un homme : Richard Williams. Dieu vivant de l’animation, Williams est connu pour avoir signé le générique de Quand la panthère rose s’emmêle de Blake Edwards et surtout de la section cartoon de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?. De triviaux travaux commerciaux pour cet artiste qui, parallèlement, tentait de mettre sur pied ce qui promettait d’être le plus grand film d’animation jamais vu sur un écran : The Thief and the Cobbler. Cette adaptation de fables arabes ambitionnait d’être un extravagant spectacle qui compilerait tout ce que l’animation peut offrir de plus beau, mais aussi de plus difficile à concevoir. Une véritable folie que Williams va s’échiner à mener à son terme... pendant plus de trente ans. De faux départs en perte de financements, ce fou génial sacrifia sa vie privée et celle de plusieurs de ses collaborateurs dans cet opus magnum. Pourtant, vingt ans après avoir lancé cette production, Williams toucha presque au but lorsque, suite au triomphe de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Warner Bros. accepta d’injecter la somme considérable de 50 millions de dollars dans son projet. Mais la sortie d’Aladdin des studios Disney, soupçonnés d’avoir plagié The Thief and the Cobbler, et l’intransigeance de Williams, incompatible avec les impératifs d’un grand studio hollywoodien, eurent définitivement raison de son œuvre. Les nombreuses scènes achevées de The Thief and the Cobbler, stupéfiantes de beauté, lui seront retirées pour être revendues aux bouchers de Miramax qui remontèrent le film, l’agrémentèrent de séquences bâclées et bassement commerciales, pour ensuite bazarder en salles cette chose informe qui se révélera être un échec sans appel.Ode à l'animationVoilà, racontée de façon très succincte, l’incroyable histoire que relate Persistence of Vision : guidé par les témoignages de proches collaborateurs de Williams, encore très émus par cette triste aventure unique dans l’histoire du cinéma, et agrémenté de nombreux extraits de ce chef-d’œuvre à jamais inabouti, le documentaire de Kevin Schreck est à la fois une ode à l’animation, le récit cruel du combat perdu d’avance entre un artiste et Hollywood, et enfin le portrait de ce génie méconnu qui refuse aujourd’hui de parler de The Thief and the Cobbler, mais qui apparaît dans d’incroyables interviews et images d’archives. L’homme n’a pas abandonné le combat pour autant : âgé aujourd’hui de 80 ans, il travaillerait à un nouveau film qu’il annonce comme tenant du jamais vu. Persistence of Vision n’a pas encore de distributeur français, ce qui est fort regrettable : on se prend à rêver d’une belle sortie en Blu-ray accompagnée, pourquoi pas, des reconstitutions de The Thief and the Cobbler, conçues par des fans et disponibles sur le net.Julien Dupuy