"Au bout du compte, ils vont pouvoir garder tout leur argent et personne ne va aller en prison", nous explique, écœuré, le créateur de la mini-série Disney +, Danny Strong.
Impressionnant et bouleversant récit sur la crise des opioïdes qui ravage l'Amérique depuis vingt ans, la mini-série Dopesick pointe, sans prendre de gants, le labo Purdue Pharma et ses propriétaires, comme les responsables de cette catastrophe sanitaire. La famille Sackler - et le PDG Richard Sackler - apparaissent dans le drama diffusé chaque vendredi sur Disney + comme les instigateurs de cette crise.
Le créateur d'Empire, Danny Strong, qui a écrit Dopesick, nous explique pourtant que le géant pharmaceutique a réussi à s'en sortir quand en septembre 2021, un juge fédéral new-yorkais a approuvé un règlement à l'amiable avec la famille Sackler, leur garantissant une "paix mondiale" face à toute responsabilité liée à la crise des opioïdes. "Contre une amende de 4,5 milliards de dollars, ils sont désormais exonérés de tous comptes à rendre", explique Strong à Première, horrifié par cette décision de justice qu'il estime complètement sous-proportionnée :
"Ce jugement est perçu par le monde entier - sauf par les Sackler - comme un échec de la justice. Une fois de plus, ils s'en sont sortis et ne pourront plus être ciblés par un procès civil. L'amende de 4,5 milliards de dollars semble importante, sur le papier. Le montant est cohérent... Sauf qu'il sera payé sur neuf ans ! En résumé, ils vont gagner plus d'argent chaque année en intérêts qu'ils n'en paieront en amende ! Ainsi, au bout du compte, ils vont pouvoir garder tout leur argent et personne ne va aller en prison."
Indigné, le créateur de Dopesick estime qu'au terme de cette procédure juridique, "la seule chose qu'ils ont perdu, c'est leur réputation. La famille Sackler est sans aucun doute la plus honnie du siècle en Amérique ! C'est tout ce qui reste à leurs victimes..."
Effectivement, jusque dans les années 1990, le nom "Sackler" était associé à une certaine forme de philanthropie outre-Atlantique. La famille derrière Purdue a longtemps donné de sa fortune pour des hôpitaux et des musées. Une forme de mécénat perçue désormais de manière tout à fait différente, et depuis que Dopesick a autopsieé minutieusement les dysfonctionnements de ce système, qui ont conduit à ce drame national :
"J'espère que cette série aura au moins le mérite de mieux faire comprendre les crimes de Purdue Pharma, et d'apporter une forme de justice... en quelque sorte. Ou du moins une forme de satisfaction de pointer du doigt ouvertement ce qu'ils ont fait."
Reste qu'au-delà de désigner des responsables, Dopesick a cette ambition de faire changer le point de vue de l'opinion publique sur la dépendance : "J'espère aussi que cette série donnera une meilleure perception de ce qu'est l'addiction. De ce que ça fait au cerveau des gens. À quel point cela chamboule les connexions du cerveau et à quel point c'est compliqué de s'en remettre", reprend Danny Strong. "On juge parfois les gens qui sont accros en pensant qu'ils sont faibles. Sauf qu'à un moment, ça devient une vraie maladie. Et la série permet de montrer différentes thérapies ou traitements qui existent. C'est un point essentiel de la série et j'espère que toute cette histoire nous permettra d'avoir compris au moins cela."
Dopesick se terminera le 17 décembre prochain sur Disney +.
Commentaires