Président du Jury International lillois cette année, le réalisateur israélien du remake HBO de Scènes de la Vie Conjugale explique comment il a pensé son adaptation, proche, tout en modernisant l'œuvre du cinéaste suédois.
C'est l'un des créateurs de série les plus encensés du monde, au cours de la décennie écoulée. Golden Globe de la meilleure série dramatique pour The Affair en 2015, Hagai Levi est aussi celui qui a renouvelé le drama psychologique avec Betipul, l'originale qui a donné En Thérapie (sur Arte) et In Treatment (aux USA). C'est donc avec un certain statut qu'il a débarqué à Séries Mania cette semaine, dans la peau du Président du Jury de cette édition 2021.
Un Président très occupé, puisque sa nouvelle pépite tournée pour HBO, Scenes From a Marriage, remake de l'oeuvre suédoise d'Ingmar Bergman (1973), sortira le 13 septembre prochain (en France sur OCS). L'occasion était trop belle. Hagai Levi a livré une Masterclass passionnante, pour les festivaliers, racontant comment il a approché l'adaptation moderne des ces Scènes de la Vie Conjugale.
Séries Mania 2021 : les temps forts du samedi 28 aoûtUn demi-siècle plus tard, le monde a changé, la société a changé, et le couple a changé. Pourtant, Hagai Levi a tout fait pour coller à cette série 70's (remonté en film pour l'international en 1974) qui a marqué profondément sa jeunesse. "Je ne voulais pas perdre une miette de ce qu'avait fait Bergman. Le flow de ses scènes parle de lui-même. J'ai coupé l'épisode 2, malgré tout, parce qu'il était très contemplatif et du coup notre version fait 5 épisodes contre 6 dans la version originale." Mais s'il a respecté scrupuleusement la construction narrative de l'icône suédoise, Hagai Levi a quand même dû repenser très largement ses personnages :
"J'ai commencé à travailler dessus en faisant un switch entre les genres. Le problème, c'est que je déteste le mec dans la version originale. Je ne le supporte pas. Bergman s'en fout de mettre en scène un type qu'il n'aime pas. Et du coup, on a une femme, qui est clairement la victime, vers qui va toute notre empathie. Et l'autre est froid, misogyne, c'est un gros con. Sauf que l'épouse, de nos jours, n'est plus faible et soumise comme l'est Marianne dans la version de Bergman. Il a fallu faire une mise à jour 2020. Ca a été compliqué à écrire. Peut-être plus dur que pour Bergman, parce qu'il fallait cette fois que l'empathie aille vers les deux personnages. Et au fur et à mesure de l'écriture, je me suis senti très proche du mari", raconte Hagai Levi devant une salle comble.
Le scénariste et réalisateur explique ensuite que si l'oeuvre de Bergman est cruelle en elle-même, "il est impossible pour moi d'écrire des personnages que je ne comprends pas. Par exemple, tout le monde adore Succession, mais j'ai eu beaucoup de mal à me mettre dedans, parce que tous les personnages sont détestables ! Ce sont des sociopathes. Et je ne sais pas comment on écrit quelque chose qui n'inclut pas certains éléments chromatiques basiques, des personnages qui font, a minima, face à une forme de conflit moral !"
Le remake américain comporte donc des modifications profondes dans l'approche des deux époux. Esthétiques aussi, car le réalisateur israélien a également repensé les décors où se jouent ses Scènes de la vie Conjugale. Avec un peu plus de moyens financiers que Bergman a l'époque, il a choisi de recentrer l'action dans la seule maison du couple : "Dans la version originale, on les voit dans leur maison, la maison de vacances, son bureau à lui, son bureau à elle... Dans ma version, j'ai eu envie de placer la série dans un seul endroit : la maison familiale. Elle devient un personnage à part entière, elle change, elle reflète les phases de leur mariage. Après, je sais que Bergman a dépensé quelque chose comme 100 000 $ par épisode. C'est très peu. De manière intentionnel d'ailleurs, parce qu'il voulait gagner de l'argent avec cette série. Moi, je n'avais pas cette contrainte..."
Scènes de la vie Conjugale, à voir en France sur OCS le 13 septembre prochain.
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