Première
par Thierry Chèze
Si on ne compte plus le nombre de comédies, de films de superhéros ou de portraits de familles dysfonctionnelles qui squattent les salles, la place occupée par le monde paysan sur grand écran reste réduite à peau de chagrin. Mais attention à ne pas céder à la facilité de vouloir comparer à tout prix les rares films en question. Ainsi, Au nom de la terre n’a réellement en commun avec le récent Petit Paysanque le lieu de son action : une exploitation agricole. Pour le reste, là où Charuel lorgnait du côté du thriller sur fond d’effets dévastateurs de la vache folle, Édouard Bergeon déploie, quant à lui, une véritable saga familiale inspirée de la tragédie vécue par son propre père, qui reprenait en 1979 la ferme de son grand-père et subissait de plein fouet le basculement de l’agriculture dans une nouvelle ère. Celle où les dettes étranglent les petits exploitants et où les banques se montrent plus promptes à financer des projets pharaoniques irréalisables qu’à accorder un minuscule crédit. Au nom de la terredécrit la fin inéluctable d’un monde. Mais il le fait à hauteur d’homme, refusant d’empiler les grandes théories pour raconter vraiment de l’intérieur les pulsions suicidaires, la jalousie entre paysans, les couples qui vacillent... Modeste dans sa mise en scène, Bergeon rend le plus digne des hommages à son père, ne sacrifiant jamais à la sensiblerie. Il est accompagné par un Guillaume Canet bouleversant, entouré par les non moins magnifiques Veerle Baetens, Anthony Bajon, Rufus... La vérité qui émane de ce collectif vous hante longtemps après la sortie de la salle.