C’était le film de tous les dangers : quatre années se sont écoulées depuis Les Crimes de Grindewald . Quatre ans et toute une série de déraillements. D’abord, la franchise n’a jamais réussi à décoller ni à inventer un monde ou des personnages aussi séduisants que ceux de la série Harry Potter. Ensuite, les propos polémiques de J.K. Rowling ont créé un schisme au sein du fandom. Enfin, Johnny Depp a été remercié par le studio et remplacé en urgence par Mads Mikkelsen alors que le destin de Katherine Waterston au sein de l’univers semblait également compromis… Les animaux Fantastiques est donc devenu cette franchise de poissard mais est-ce que Les Secrets de Dumbledore pourrait retrouver la formule magique et conjurer le (mauvais) sort ? Ce troisième chapitre tente bien de corriger quelques défauts des Crimes de Grindelwald, sans parvenir à convaincre totalement.
Mieux que Grindelwald. Le précédent épisode faisait sombrer la saga Potter dans une noirceur abyssale en multipliant les ruminations lourdingues sur la nature du pouvoir. Le scénario enchaînait les analogies (pas toujours subtiles) entre le monde de la magie et les démocraties européennes d’entre deux guerres - enterrant la série sous un esprit de sérieux un peu mortifère… De ce point de vue là, on s’inquiète un peu au début du nouveau film puisque tout commence à Berlin dans les années 30. Grindelwald qui moisit en prison veut prendre le pouvoir et dominer le monde des sorciers. Une fois sorti, il décide d’accepter le jeu démocratique pour mieux le subvertir avec l’aide de ses nervis en chemises noires. Ҫa vous rappelle un truc ? Pourtant, très vite, Les Secrets de Dumbledore abandonne le pensum historico-politique pour privilégier l’aventure. On quitte Berlin pour l’Asie Centrale et les sombres tractations politiques pour une course poursuite sur le toit du monde et dans des grottes au design très fantasy… Cet épisode laisse finalement plus de place au spectacle et au bestiaire (comme prévu impressionnant) installant vite les bornes de son terrain de jeu : de nouveaux animaux magiques, un parfum Guide du sorcier routard, et du fun…
Oui mais voilà : ce GPS se révèle vite inopérant, car le problème principal de ce volet, c’est la complexité de l’intrigue. Même Norbert ne s’y retrouve pas. Au début du film, exposant sa stratégie pour mettre fin aux agissements de Grindelwald, il affirme que, comme le sorcier du mal peut voir le futur, il va falloir ajouter de la confusion à la confusion. Conçu comme un film d’espionnage dans un monde magique, Les Secrets de Dumbledore multiplie donc les embardées incompréhensibles, enchaîne les fausse pistes et les culs de sac, et ne cherche jamais, mais alors JAMAIS, à raccrocher les wagons. La première demi-heure n’essaie pas de recoller les morceaux et se révèle un peu ardue pour les profanes. Les détails de l’intrigue fileront des migraines au plus ardents des Potterheads. Et des personnages apparaissent et disparaissent à la vitesse de la lumière - sans qu’on puisse jamais s’intéresser à leur destin. Que vient faire la sœur de Dumbledore dans cette histoire ? Pourquoi son frangin est-il à ce point taciturne ? Et à quoi croit finalement Croyance ? La résolution du film paraît bien fumeuse et ne répond évidemment pas à toutes ces questions.
Reste alors quelques belles séquences comme le duel de sorciers dans la ville ou une scène à la Pirates des Caraïbes dans laquelle Norbert et son frère doivent affronter une armée de crabes et un Basilic. Au fond, le réalisateur David Yates fait ce qu’il peut pour rendre palpitant un épisode qui ne sert que de préparation aux deux épisodes finaux ; il cherche constamment (vaillamment ? vainement ?) le point d’équilibre entre la féerie visuelle, la violence politique, et l’aventure à l’ancienne. Heureusement dans cette mission, il peut compter sur deux acteurs au sommet. Jude Law est définitivement fantastique en Dumbledore (charmant et mystérieux, installant son autorité cool et ses failles émotionnelles) pendant que Mikkelsen, naturellement moins bouffon et exubérant que Depp, impose un Grindelwald plus subtil, au machiavélisme plus insidieux, finissant par rendre sa menace beaucoup plus tangible… La magie n’opère toujours pas, mais on progresse.