Première
par Thomas Baurez
Arnaud Desplechin est de retour chez lui, à Roubaix, et pourtant nous ne sommes pas tout à fait en terrain connu. Un peu comme si le cinéaste de Comment je me suis disputé et d’Un conte de Noël, voulait marcher sur les plates-bandes d’Olivier Marshal. Un commissariat, la nuit, un flic fatigué mais expérimenté (Roschdy Zem, au charisme ahurissant), un nouveau venu en quête d’absolu et de vérité intérieure (Antoine Reinartz tout en mesure) et au dehors, une misère sociale qui offre son lot de détresse et de faits qui à force d’être trop divers, ne le sont plus vraiment. C’est en tout cas ce que veut montrer le cinéaste. Derrière chaque petit drame qui grossit les chiffres des statistiques, il y a des êtres, donc une histoire qui mérite d’être raconter. Roubaix est la commune la plus pauvre de France apprend-on. Quelle peut bien être cette lumière dont parle le titre ? Le récit commence par accumuler les mini- péripéties, pour mieux définir un territoire. A ce jeu-là, Desplechin n’est pas très à son aise et tout parait forcé, anecdotique. Mais à mesure que son attention se focalise sur un point précis, le film, inspiré du documentaire Roubaix, commissariat central, va gagner en tension et trouver sa véritable raison d’être. On voit alors l’étau policier se resserrer sur deux jeunes femmes (Seydoux-Forestier) accusées du meurtre d’une vieille voisine. Et l’espace-temps devient étouffant, les corps sont oppressés, broyés, les gestes et la parole tentent de dire la même chose mais l’épreuve de force du réel ébranle tout. Et la lumière alors ? Elle est toute entière contenue dans les yeux du commissaire Daoud (Zem) qui cherche à trouver un morceau d’humanité au milieu des décombres.