On soumet des titres au réalisateur Derek Cianfrance, il nous dit si on a vu juste ou pas.
La Fille de Ryan (David Lean, 1970)
Révélé par un drame en chambre sous influence Cassavetes (Blue Valentine), Derek Cianfrance se frotte ici aux embruns, aux éléments déchaînés, au grand mélo battu par les vents de l’Histoire. A David Lean, quoi.
"Oui, La Fille de Ryan, bien sûr ! Une immense influence. Brève Rencontre et Lawrence d’Arabie aussi. Cassavetes est mon héros, je suis obsédé par la représentation de l’intimité, mais là, l’idée était de changer d’échelle. De tourner un drame à la Cassavetes dans un cadre à la David Lean. Il y a un passage dans le livre de M.L. Stedman qui m’obsédait : Tom (Michael Fassbender dans le film) contemple l’océan avec sa fille, il observe un rocher et pense aux centaines de milliers de vagues qui l’ont frappé au cours du temps. Il se sent insignifiant, mais pense en même temps à l’amour qu’il porte à sa fille, un amour qu’il considère plus vaste que tout l’univers. David Lean est vraiment une référence pour la manière dont il parvient à marier l’intime et l’épique, l’infiniment grand et l’infiniment petit."
Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939)
Un best-seller qui fait pleurer, de beaux acteurs en costume d’époque… L’esprit de Scarlett O’Hara et Rhett Butler souffle clairement ici.
"Je l’ai vu tant de fois ! Ma grand-mère l’avait en VHS, mais je refusais obstinément de le regarder quand j’étais plus jeune. Jamais de la vie ! Puis un jour, il est ressorti au cinéma en version restaurée. Quatre heures plus tard, je suis sorti de la salle totalement extatique. Je venais de voir mon film préféré de tous les temps ! En préparant Une vie entre deux océans, j’ai d’ailleurs dit à ma directrice de casting : "Je veux Vivien Leigh." Et elle m’a répondu : "Jette un œil à Alicia Vikander."
Breaking the waves (Lars von Trier, 1996)
Une réflexion sur l’amour et la foi tournée au bord de l’eau. On parie que Derek Cianfrance est également fan de Lars Von Trier ?
"Bien vu ! Bon, je vais vous dire la vérité. En fait, le truc exact que j’ai dit à ma directrice de casting, c’est que je recherchais une actrice qui soit un mélange de Vivien Leigh, de la Gena Rowlands de Une Femme sous influence et de l’Emily Watson de Breaking the Waves. C’est vraiment un film séminal pour moi. La première fois que je l’ai vu, j’ai pleuré pendant des heures, je ne pouvais plus m’arrêter. C’est de l’or. Cinema gold."
The Phantom Light (Michael Powell, 1935)
On cherchait un film avec un gardien de phare (la profession de Michael Fassbender dans Une vie entre deux océans) mais on n’était pas sûr que Derek Cianfrance connaisse L’équipier de Philippe Lioret. Tentons notre chance avec ce Michael Powell méconnu.
"Ah non, tiens, jamais vu. Mais j’adore Powell. Le Narcisse noir, Les Chaussons Rouges, Colonel Blimp, Les Contes d’Hoffmann… Celui que j’ai revu en boucle pendant la préparation de mon film, c’est A l’angle du monde. Une histoire d’amour sur une île, loin de toute civilisation… Une autre influence décisive."
Jane Eyre (Cary Fukunaga, 2011)
Michael Fassbender en héros romantique ? La dernière fois, c’était dans cette étrange adaptation du roman de Charlotte Brontë par Cary « True Detective » Fukunaga.
"Pas vu non plus. La vérité, c’est que je ne regarde pas beaucoup de films contemporains. Des documentaires de Wiseman ou Oppenheimer à la limite. Je trouve la vie tellement plus intéressante… Quant à Michael Fassbender, j’ai surtout l’habitude de le voir jouer des types très cérébraux, toujours en contrôle. Quand il fait Magneto dans X-Men, je n’ai aucun mal à croire qu’il arrive à tordre du métal par la pensée ! C’est pour ça que j’avais envie de le voir jouer avec son cœur, qu’il montre sa vulnérabilité. C’est l’histoire d’un homme qui fait un choix par amour, mais est ensuite torturé par sa raison. Ce conflit entre l’amour et la vérité, je crois bien que c’est le sujet de tous mes films."
Une vie entre deux océans sort ce mercredi 5 octobre dans les salles françaises.
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