Incarner Bella a été "une expérience extrêmement libératrice" pour l'actrice, qui retrouve le réalisateur de La Favorite, Yorgos Lanthimos.
Cinq ans après le succès de La Favorite, Emma Stone refait équipe avec Yorgos Lanthimos pour jouer une femme repartant de zéro, dans un corps d'adulte mais avec un cerveau de nourrisson, dans Poor Things. Une renaissance tordue, racontée en 2003 dans le roman d'Alasdair Gray Pauvres créatures, qui marque aussi une expérience exceptionnelle pour la comédienne.
Peu après la diffusion du premier teaser surréaliste de ce film qui s'annonce très original, elle se confie à Vogue, aux côtés du cinéaste, à propos de ce "Frankenstein au féminin". Révélant qu'ils ont commencé à l'évoquer dès la conception de La Favorite, elle explique s'être découvert de nombreuses affinités avec le cinéaste grec. Ils ont voulu retravailler ensemble rapidement, mais à cause de l'épidémie de Covid, ils ont vu leur projet être reporté de longs mois. Pleinement engagée, aussi bien en tant que comédienne que productrice, l'actrice oscarisée pour La La Land explique l'avoir aidé sur toutes les étapes de la création de Poor Things. Elle détaille surtout à quel point ce rôle fut libérateur pour elle. Voici quelques extraits de cet entretien, en attendant la sortie du film, prévue pour le 8 octobre au cinéma.
"Ce film était vraiment différent, parce que nous en parlions depuis si longtemps. Il était très intéressant de participer à son élaboration, de la distribution aux chefs de service, etc. En fin de compte, c'est Yorgos qui a pris ces décisions, mais j'ai été très impliquée dans le processus, qui a commencé pendant la pandémie ; nous avons contacté des gens, fait des castings et tout le reste pendant cette période, parce que nous ne pouvions aller nulle part.
"Poor Things, c'est un conte de fées et une métaphore - il est clair que cela ne peut pas vraiment arriver - mais l'idée que l'on puisse recommencer à zéro en tant que femme, en tant que corps déjà formé, tout voir pour la première fois et essayer de comprendre la nature de la sexualité, du pouvoir, de l'argent ou du choix, la capacité de faire des choix et de vivre selon ses propres règles et non celles de la société - j'ai pensé que c'était un monde vraiment fascinant à pénétrer.
Yorgos est européen, il a donc un peu plus de liberté par rapport à ces choses-là, mais je viens de l'Arizona et j'ai eu ma propre version du fait de grandir en tant que fille dans la société américaine. Regarder Bella passer d'une recherche de plaisir si égocentrique - que ce soit en mangeant beaucoup trop de tartes à Lisbonne ou en voulant éprouver du plaisir dans toutes ces capacités différentes qu'elle apprend en étant possédée par des hommes - à la volonté de devenir médecin et d'aider les gens d'une manière différente, ces leçons que nous traversons dans nos vies sur une longue période se produisent très rapidement pour elle, et c'était une opportunité formidable de vivre une vie entière qui n'était pas du tout marquée par la honte ou les traumatismes.
Même si Bella a manifestement subi des traumatismes dans sa vie, elle n'en a plus aujourd'hui. C'était le personnage le plus joyeux du monde à jouer, parce qu'elle n'a honte de rien. Elle est nouvelle, vous savez ? Je n'avais jamais eu à construire un personnage auparavant qui n'avait pas de choses qui lui étaient arrivées ou qui lui avaient été imposées par la société tout au long de sa vie. L'incarner a été une expérience extrêmement libératrice.
Nous avons tellement répété et parlé pendant si longtemps, mais Bella grandissait si rapidement. Pour rien au monde je n'aurais réalisé ce projet avec quelqu'un d'autre. Je pense que vous pouvez probablement sentir en regardant le film que je fais implicitement confiance à Yorgos. Nous avons eu trois semaines de répétitions où tout le monde était ensemble, mais je savais que l'expérience du tournage proprement dit allait être le moment où j'aurais besoin de me débarrasser de la honte ou de la peur de mon propre jugement."
Yorgos Lanthimos ne tarit pas d'éloges envers son actrice principale, qui sera entourée dans ce film de Willem Dafoe, Mark Ruffalo et Ramy Youssef : "Emma a vraiment trouvé la complexité de ne pas simplement jouer Bella comme une enfant ou un bébé d'une manière mignonne ; c'était assez délicat, et la façon dont nous l'avons abordé à la fin a été de vraiment travailler avec la physicalité du personnage sans essayer de l'analyser ou de la comprendre."
A propos de ses partenaires masculins, il précise : "Dans ce film, il y a une tendance générale à essayer de contrôler Bella - même si c'est fait de manière bienveillante ou subtile, à la manière d'un parent ou de Baxter (le personnage de Dafoe), ou tout simplement en s'entichant comme le fait Ramy. (…) Les gens veulent profiter d'elle et tombent finalement amoureux d'elle parce qu'aucun d'entre eux n'a jamais rencontré un être humain comme celui-là - et encore moins une femme de cette époque - qui est si libre de conventions et qui n'a pas de culpabilité, pas de honte, pas de jugement sur lui-même ou sur les autres. Il y a toute une série d'hommes différents qui essaient d'avoir un impact sur sa vie, et c'est ce qui la fait grandir."
"Je me souviens que lorsque tu m'avais parlé du livre pour la première fois, tu avais évoqué un aspect de la description du personnage en disant que plus Bella acquiert d'autonomie, plus elle apprend et grandit, plus cela rend ces hommes fous, renchérit Emma Stone. Plus elle a une opinion, ses propres désirs et besoins et tout cela, cela les rend fous ; ils veulent qu'elle reste cette sorte de chose pure."
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