Première
par Sylvestre Picard
Drôle de trajectoire que celle de Keiichi Hara : au fil des ans, son Miss Hokusai (2015) fait définitivement figure d’exception, non seulement dans la production animée japonaise mais bel et bien aussi dans la propre filmographie de son réalisateur. En signant ce biopic d’une artiste mélancolique qui se demandait si l’on pouvait rester à l’écart du monde, Hara se demandait peut-être au fond si l’on pouvait faire aussi bien un film qui puisse se tenir à l’écart du monde, comme un sanctuaire. Suivant ce coup de maître, Hara avait tourné Wonderland : Le Royaume sans pluie, une gentille et inoffensive odyssée de fantasy, fatalement un peu décevante, dont le plus bel enjeu était de rechercher non pas le voyage mais l’immobilité. Comme s’il avait été rattrapé par son passé de réalisateur sur des films de la franchise Doraemon (un chat-robot légendaire au Japon), impossible pour lui de retourner dans le sanctuaire bâti par Miss Hokusai. Et au fond, Le Château solitaire dans le miroir peut se regarder comme le récit de cette impossibilité. Une bande d’ados japonais aux profils divers et variés se retrouve propulsée via leurs miroirs dans un monde parallèle reposant sur d’énigmatiques mécanismes. Un peu comme dans Gantz de Shinsuki Sato sans le cul et le gore, mais pas sans violence, puisqu’il s’agit pour l’héroïne de tenter d’échapper au harcèlement qu’elle subit en classe. Et le film de nous frapper en plein cœur, pas par sa technique (classique) mais bien par sa charge émotionnelle. On s'attendait à voir un gentil conte ? Raté ! Décidément, Hara est un drôle de cinéaste.