Caryl, tu as vu Zulu ?Oui, à Cannes…Et ?J’adore. Comme n’importe quel écrivain adapté, j’ai quelques frustrations. Parfois j’aurais aimé que l’on s’attarde un peu plus sur la psychologie des personnages, qu’on les voie vivre…. Mais j’aime le rythme du film, sa nervosité. Et ce qui me plait par-dessus tout, c’est la fidélité. A mon livre mais encore plus à l’Afrique du Sud. C’était ça qui comptait pour moi. Le boulot d’immersion de Jérôme et de l’équipe se voit dans tous les plans ; jusque dans la performance des acteurs. Ecoute les parler : Whitaker a un accent zoulou et Orlando Bloom parle l’anglais des Afrikaners… C’est super !C’est précisément ce que me disait Salle, que ses deux stars s'étaient réellement investies dans leurs rôles.Honnêtement au début quand on m’a dit que ce serait Whitaker et Bloom, j’ai pensé que ce serait du cinéma. Qu’ils se la joueraient stars - tu vois le truc. Tout faux ! Les mecs étaient dedans, complètement. Je me souviens de mon arrivée sur le plateau ; quand Jérôme m’a présenté Orlando, il s’est précipité sur moi, le petit écrivain français, et il m’a dit : « c’est le rôle de ma vie ! J’attendais ça depuis des années ». Je croyais qu’il déconnait, mais pas du tout. Et ça fait vraiment bizarre…Vous avez parlé du roman ?Oui, mais surtout du rôle, de l’Afrique, du personnage tel que je le voyais. Bloom était très demandeur, c’était étonnant. Whitaker… c’était différent. Il était déjà dedans. Dans le livre le personnage est plus jeune et du coup, j’étais un peu sceptique au départ. Mais dès la première prise, ça a été une très grosse claque. Le mec a une classe folle, il est super pro, très gentil, et à fond dans son rôle…Tu as participé au processus d’écriture ?J’avais écrit une première version du script. Un truc qui n’avait plus grand-chose à voir avec mon roman : le producteur Richard Grandpierre voulait que le héros soit français, il avait même un acteur précis en tête. Ca ne marchait pas… C’est l’intelligence de Grandpierre d’avoir reconnu son erreur et d’être revenu à mon roman, avec des acteurs anglais et en Afrique du Sud. Quand Jérôme est arrivé sur le projet, j’ai vu très vite qu’il avait envie de faire le même film que moi. Du coup, je l’ai laissé bossé avec son scénariste et je n’ai joué qu’un rôle de conseiller amical.C’est à dire ?A la base, Jérôme ne connaissait pas l’Afrique du Sud. Je l’ai donc aidé pour les repérages. Enfin, c’était plutôt simple : il lui suffisait de lire mon bouquin pour trouver tout ce dont il avait besoin…Comme ?L’adresse des bons bars de Cape Town (rires).On retrouve dans le film ce qui faisait la force de ton roman : l’authenticité et le sentiment d’être plongé dans la réalité africaineJérôme a passé un an là-bas. A la fin, il connaissait le pays mieux que moi. Il s’est beaucoup imprégné de la réalité du pays, de sa violence. Dans son casting, il y avait de vrais gangsters ; je crois que son chauffeur était même le fils ou le neveu du parrain local et du coup, il pouvait aller où il voulait… C’est un pays violent et tu ne peux pas tricher avec ça.C’est finalement le plus étonnant de cette adaptation : sa violenceC’est vrai. C’est un film violent, c’est un bouquin violent, mais c’est la réalité qui veut ça. C’est un pays qui a été ravagé par l’Apartheid, les maladies, les tensions raciales… J’ai rencontré pas mal de flics pour écrire Zulu et quand ils me parlaient des townships, c’était l’enfer : meurtres, viols, violences conjugales, mafias, gangs. L’Afrique souffre depuis si longtemps… Ali est un enfant de Mandela, sans qui rien n’aurait été possible. Mais aujourd’hui encore, la population vit entre la peur et la recherche d’un job. Alors quand on me dit que le livre ou le film sont violents, je dis regardez la réalité…Vous avez parlé cinéma avec Salle ?On a les mêmes références. Tu sais, les auteurs de polars sont nourris de cinéma. On rêve tous d’être adapté d’ailleurs, mais pas n’importe comment. Pour moi, la référence ce sont les classiques 70’s. Je déteste le cinéma des années 80, les trucs de pubards…Le film fait pourtant penser à L’Arme Fatale et aux bons vieux Bruce Willis…Ouais, mais c’est vraiment une esthétique qui m’ennuie. Ca fait toc et il y a cette violence jeux vidéo dans ces films-là qui m’ennuie. Ali et Brian ne sont pas des superhéros. Avec Jérôme on a moins évoqué Gibson que Serpico et French Connection… Et son film est dans cette veine-là. Avec Zulu, les gens vont voir un thriller réaliste et nerveux, mais ils vont voyager aussi. Découvrir l’Afrique du Sud, sa violence et sa beauté ; sa complexité…Interview Gaël GolhenZulu de Jérôme Salle avec Forest Whitaker, Orlando Bloom et Conrad Kemp, le 4 décembre dans les salles
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