"Mother ! est un cri, un cri de rage qui veut éveiller les consciences, quitte à en faire trop."
Darren Aronofsky revient cette semaine au cinéma avec Mother !. Verdict ? Impossible de résumer son film en quelques mots, tant il est ambitieux.
De Pi à Noé en passant par Requiem for a Dream et Black Swan, Darren Aronofsky a multiplié les portraits d'êtres torturés, voire autodestructeurs, au sein de films difficiles à classer (thriller psychologiques ? Drames intimes ? Histoires bibliques ?). Mother ! ne déroge pas à la règle. C’est même un condensé de toutes ses œuvres précédentes. Pour le meilleur et pour le pire.
Mother ! démarre effectivement comme un thriller : un couple vit dans une maison en travaux. Lui est un poète reconnu, mais en mal d’inspiration depuis quelque temps, elle s’occupe de leur cocon, fait tout pour leur construire un véritable "paradis" où ils pourront élever leur futur enfant. Mais l’arrivée d’étrangers dans cette demeure de trois étages va bouleverser leur quotidien : si l’homme est flatté de la reconnaissance de ses hôtes, la femme ne supporte pas que des inconnus s’introduisent chez elle en agissant comme s’ils étaient chez eux. Peu à peu, la cohabitation dégénère, et l’on comprend que chaque geste, chaque parole, chaque personnage et même chaque élément de décor cache en fait d’autres sens. Tout ce que l’on voit et entend dans ce film devient sujet à interprétations.
Darren Aronofsky donne la "clé" pour comprendre Mother !
Attention, spoilers !
La "Mother" du titre fait ainsi référence à la mère nature. L’artiste, lui, est montré comme un créateur divin. Et ces intrus, là, ce couple parfait dont les deux enfants n’arrêtent pas de se battre, ce ne seraient pas Adam et Eve ? Bien que sceptique, la terre mère est généreuse, elle se plie en quatre pour satisfaire son mari, puis ses "invités", mais personne ne s’intéresse à elle. On l’oublie, ou pire, on la malmène. Au fur et à mesure de la notoriété grandissante de son mari, elle s’efface. Sa maison est envahie, et elle se retrouve démunie face à tant de gens, de bruit et de fureur. La tragédie paraît alors inévitable.
Le point d’exclamation du titre prend tout son sens dans la deuxième partie du film. Mother ! est une œuvre énervée. Le réalisateur s’insurge contre les hommes qui détruisent notre mère à tous, et ses critiques (en vrac les sociétés qui déraillent, le désastre écologique, la gestion politique du monde, le contrôle des hommes sur les femmes, l'obscurantisme religieux...), qui étaient toutes déjà présentes dans Noé, n'avaient encore jamais été illustrées de façon aussi radicale. De plus en plus violente, son histoire mélange les allégories au risque d’épuiser et/ou de perdre les spectateurs. Mother ! est un cri. Un cri de rage qui veut éveiller les consciences, quitte à en faire trop.
Pour faire naître cette sensation de malaise grandissante, Darren Aronofsky a choisi de suivre sans cesse le personnage principal (sauf à la toute fin, qui brise étrangement cette construction) à l’aide de longs plans-séquences qui traversent la maison. Un procédé qui lui permet de faire preuve de virtuosité technique, et qui offre surtout un rôle en or à Jennifer Lawrence, que la caméra ne quitte presque jamais. Elle est témoin, impuissante, de la folie des hommes et passe par toutes les émotions. Plus en retrait, Javier Bardem joue paradoxalement un personnage crucial. Sa présence "pèse" sur l’ambiance générale du film, même quand il n'est pas à l'écran. Les rôles secondaires sont également soignés (Ed Harris, intrigant à souhait, Michelle Pfeiffer, charmeuse et inquiétante...). Enfin, l’absence de musique achève de donner une ambiance oppressante à l’ensemble.
Mother ! - Jennifer Lawrence : "Je ne pourrais plus faire un film comme ça"
Dommage que dans sa folie créatrice, le réalisateur se perde parfois, aussi bien sur le fond (certaines idées sont totalement noyées dans ce trop plein de niveaux de lecture), que sur la forme (il alterne par exemple entre plans ultra-travaillés et effets spéciaux "cheap"). Darren n’a pas peur du ridicule, ni de choquer. Au contraire, son climax, terrible, montre bien son envie de secouer profondément son public. Il veut faire réagir et va jusqu’au bout de son concept. "Maman !", que ce film est étouffant... mais dans le fond, qu’il est important.
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