Jason Reitman nous a dit que vous vous étiez découvert une passion pour les tartes. Peut-on parler de method acting ?En lisant le script de Last Days of Summer, je ne me rendais pas compte que j’allais être obligé de parler de tartes pendant un an. Mais oui, j’ai fait beaucoup de tartes. J’adore faire la cuisine. Pour préparer la scène, j’ai cuit une tarte chaque jour dans ma maison qui n’a pas de climatisation par 32°, 96% d’humidité. J’en ai raté une cinquantaine avant de finir par bien m’y prendre. Sur le tournage, j’en distribuais aux syndicalistes du Massachussetts, qui sont connus pour leur susceptibilité : si vous les contrariez, ils peuvent vous pourrir la vie, et vous risquez de finir coulé dans du béton (rire). Je leur ai donc fait une tarte tous les jours. Ils en ont pris l’habitude si bien que lorsque la scène a été finie, ils ont été privés de leur tarte quotidienne. Quand j’arrivais sur le plateau, ils me disaient « Où est la foutue tarte, mec » ? (rire) Bon, ils n’ont pas dit « foutue », d’ailleurs.La scène d’amour est très belle. Pourquoi vous a-t-elle fait peur ?Dans combien de scènes d’amour m’avez-vous vu ? Elle m’a fait peur parce que c’était relativement nouveau pour moi. D’ordinaire je ne suis pas attiré par les comédies romantiques.Pourtant, vous avez accepté pour Woody Allen…Oui, mais c’est Woody, avec tout ce que ça comporte de bizarrerie. J’ai toujours été un fan de Ionesco, Beckett, Antonin Artaud, ou le Sam Shepard des débuts. Quand j’ai commencé au cinéma, j’étais plutôt dans ce registre, avec les Coen, Woody ou Oliver (Stone) avec qui j’ai fait W, qui est sans doute le film le plus absurde qu’on puisse faire. Mais c’était super. Et j’en comprends la musique.Qu’est-ce qui vous a convaincu chez Jason Reitman ?J’ai aimé cette version d’une histoire d’amour, elle est un peu inhabituelle, pas absurde, mais suffisamment en marge pour me plaire. Le film examine l’aspect psychologique de l’histoire d’amour, ce qu’on est prêt à faire par amour, jusqu’où on peut aller. J’ai entendu dire que l’histoire était invraisemblable, je ne suis pas d’accord, ça pourrait très bien arriver, les gens deviennent irresponsables quand il s’agit d’amour.Comment ça s’est passé avec Kate Winslet ?Pour tourner une comédie romantique, Kate était la meilleure partenaire que je puisse imaginer. On s’est bien amusés.Qu’est-ce qui vous fait peur quand vous êtes devant la caméra ?Tout. Sérieusement, je suis toujours nerveux, même si j’ai pris l’habitude. J’accepte maintenant de considérer ce que je fais comme une profession de l’humiliation. Je le dis depuis deux ans, et je le répète parce que ça me rappelle que je l’accepte, mais je pense que c’est la vérité. Ca ne m’aide pas du tout à croire que ce métier est cool. Vous êtes cool pourtant, vous n’avez pas à vous faire de souci...Non je ne suis pas cool du tout ! Vraiment pas. Je porte des jeans et une chemise noire, mais ça s’arrête là. Je suis un geek, j’adore le cinéma, j’adore raconter des histoires, j’adore le théâtre, j’aime la psychologie, j’aime les films qui m’aident à comprendre le comportement des personnages.Mais qu’est-ce que vous ne trouvez pas cool là-dedans ?En fin de compte, vous avez peut être raison, c’est cool.C’est un peu votre année, avec ce film, le prochain Paul Thomas Anderson, Old boy….C’est juste une année comme les autres. J’ai commencé à avoir de bons moments dans ce métier au bout d’une vingtaine d’années, avec Grindhouse. Robert m’a appelé pour ce film en tant qu’ami, je lui ai dit oui bien sûr et je me suis pointé à Austin. Il y avait Sam Shepard, on a bu quelques coups, et il m’a parlé de ce livre de Cormac Mc Carthy, No country for old men, que les Coen devaient adapter, et il espérait qu’ils n’allaient pas l’abîmer. Il ne m’a pas dit « tu devrais le faire », mais le lendemain, je suis allé acheter le livre.Dans Men in Black vous étiez un jeune Tommy Lee Jones, dans Last Days of Summer, quelqu’un d’autre vous joue plus jeune…C’est la revanche !Est-il vrai que vous avez bidonné votre CV à vos débuts ?Oui, je n’étais pas très informé, alors j’inscrivais des titres de pièce soi-disant avec Brando, comme Une place au soleil (alors que c’est un film avec Montgomery Clift), et je ne me donnais même pas la peine de me renseigner. J’ai appris à la dure en faisant des erreurs et en ruinant beaucoup de rôles et de pièces. Mais je me suis obstiné. Parfois aux auditions, des gens me suggéraient de peut-être envisager un autre métier, ou de prendre des cours. Ca m’a toujours beaucoup motivé, ce genre d’observation.Vous avez grandi au milieu des bêtes sauvages…Ma mère militait pour le droit des animaux et à la maison il y avait des loups, des coyotes, des lynx, des pumas. Elle recueillait tous les animaux sauvages qui avaient été illégalement prélevés dans la nature, après avoir envoyé les trafiquants en prison. Ensuite, on soignait les animaux avant de les confier à un zoo ou de les relâcher. Ma mère était incroyablement irresponsable, elle nous envoyait quand on avait 8 ans nettoyer la cage de loups alors que les loups y étaient encore. On apprend à être intimidant.Ca vous a servi quand vous avez travaillé avec Tommy Lee Jones ?Bien vu. Mais Tommy Lee est bien moins impressionnant pour moi. J’ai affronté des loups, vous, vous êtes allés à la fac.Propos recueillis par Marc ElmerLast Days of Summer sort en salles le 30 avril Voir aussi :Retour sur la carrière de Josh Brolin
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