Le combat pour l'écologie : une excuse pour l'intrigue ou un vrai sujet qui vous passionne ?Les deux ! Je me sens concernée par le sujet, ce sont des questions essentielles aujourd'hui : l'impact de l'homme sur l'environnement, les dégâts dont on est responsables, et comment faire pour limiter la casse. Ça m’intéresse et ça me touche, tout comme Jon Raymond, le scénariste avec qui je travaille depuis des années. Et évidemment c'était aussi un bon moyen pour développer cette histoire autour de personnages qui se lancent dans une quête, pour une cause. Ça leur donnait une motivation importante.Le film pose une question universelle : jusqu'où est-on prêt à aller pour ses convictions. Quelle serait votre réponse ?Moi ? Whaou. Pas aussi loin que les personnages, ça c'est sûr (rires). Je pense qu'il faut se battre pour ses idées, tout en restant dans certaines limites. Personnellement, je suis dans une zone de confort : je fais « juste » des films qui montrent aux gens ce que je veux mettre en avant, c'est ça mon truc. Rien à voir avec des activistes. Dans l'idéal, je n'aimerais pas me retrouver dans la situation des personnages du film mais si c'était le cas je ne sais vraiment pas ce que je ferais. J'espère que je prendrais la bonne décision...J'ai le sentiment que vous refusez de juger vos héros.Tout à fait, c'est un peu facile et je ne suis pas là pour ça. Dire « untel est gentil, untel est méchant », ça ne m'intéresse pas vraiment. D'autant que c'est toujours bien plus complexe. Ce qui est intéressant c'est de montrer les zones d'ombre, les nuances et surtout l'évolution de chacun. Les personnages du film pensent bien faire, et c'est là le cœur de l'histoire.La fin du film est assez ouverte, vous vouliez laisser le public libre de se faire son propre avis ?Oui, je voulais qu'on se dise en voyant les dernières images : ok, et maintenant ? Il fallait que ce soit une question. Qu'est-ce que le personnage peut faire ? Qu'est-ce qu'on ferait à sa place ? Je ne voulais pas apporter une solution, toujours dans l'optique d'éviter tout manichéisme. Le spectateur a le choix.On ne voit pas non plus les conséquences directes de leurs actions, à part sur eux-mêmes, mais...(elle coupe) Attention de ne pas en dire trop ! (rires) C'est un peu délicat de parler de ça sans trop en révéler mais mon but était de rester concentrée sur mes personnages, que le film soit fermé sur eux. Presque un huis-clos, même si la plupart des scènes sont en extérieur : on sent la pression monter petit à petit. Je ne me suis pas intéressée aux conséquences dont vous parlez parce que ça aurait été un tout autre film. Ce n'était pas mon propos.Effectivement toute la tension est intériorisée. C'est le moyen le plus efficace pour faire passer ce genre de choses ?Je ne sais pas si c'est la meilleure façon... Mais c'est la mienne, celle qui me correspond le mieux. Je ne me voyais pas les faire se crier dessus, c'était plus efficace de rester très proche d'eux et de laisser des non-dits, une tension implicite.Night Moves repose vraiment sur la performance des acteurs principaux. Comment les avez-vous choisis ?Pour Peter Sarsgaard ça a été assez rapide. Pour les deux autres c'est différent. Le nom de Jesse revenait souvent sur mon bureau, on devait bosser ensemble tôt ou tard, ça n'a pas pu se faire plus tôt mais je savais qu'il serait partant. J'ai pensé à lui pour ce rôle parce que c'est typiquement le genre d'acteur qui peut faire passer beaucoup de choses sans dialogue : tu le regardes et tu sens la tempête sous un crâne. Pour Dakota Fanning, je n'étais pas sûre au départ. Je me disais qu'elle était peut-être trop jeune. Mais elle a balayé tous mes doutes quand je l'ai rencontrée. Ce rôle était pour elle, elle était catégorique ! Ce qui est amusant c'est qu'au tout début c'était Paul Dano et Rooney Mara qui étaient prévus, comme quoi.Si on résume grossièrement l'histoire, ça n'encourage pas vraiment à s'engager dans l'activisme écolo. Ça fait quoi de véhiculer un message moins subversif que celui d'Avatar ?Oh je suis désolée, je n'ai pas vu Avatar, et je ne vois pas du tout de quoi ça parle. Je ne connais pas trop James Cameron donc je ne peux pas vous répondre...C'est de la SF, sur une autre planète, les humains n'ont que faire des dégâts qu'ils causent, le message est simplissime : « c’est mal ». A l'inverse, on pourrait croire que vos héros transmettent un message presque négatif... Bon, c'était surtout pour la blague.Hmm... En fait je ne voulais pas non plus faire un film militant avec une sorte de consigne à la fin : « vous devez faire ça, parce que c'est bien ». Je souhaite bien sûr que ça aille mieux, mais je ne fais pas de film pour marteler quelque chose dans la tête du public. Encore une fois ce serait trop simple.Tant mieux, parce que le film m'a tellement terrifié que j'ai arrêté de trier mes déchets, j'espère que ça ne vous choque pas.(rires) Non, pas du tout. J'espère que les gens ne seront pas influencés dans ce sens là mais si c'est le cas tant pis. Ça ne me pose pas du tout de problème que chaque spectateur ait une interprétation différente de celle de son voisin.Quel est votre prochain projet ?Je n'en ai pas encore ! Tout ce que je peux vous dire c'est que ce ne sera pas avec Jon, il bosse sur autre chose de son côté. Ça va être la première fois depuis pas mal de temps que je vais me retrouver toute seule. Je vais voir ce qui me vient à l'esprit, en roulant ici et là.C'est comme ça que naissent vos histoires, au volant de votre voiture ?Oui. Chez moi tout part du lieu, du paysage. C'est à partir de là que j'élabore la base de mes films, toujours. Du coup l'inspiration me vient en conduisant. Je fais souvent le trajet depuis New York, c'est très long, ça me fait traverser une grande partie du pays et me permet d’observer des lieux intéressants. En réalité tout démarrera quand j’aurai choisi le lieu où l'histoire se déroulera.Quel est votre pire cauchemar : être piégée dans le désert façon La Dernière Piste ou affronter un dilemme à la Night Moves ?Ce sont deux situations vraiment horribles sur des plans différents. Être isolée dans le désert c'est quand même affreux, mais la pression deNight Movesd'un autre côté... Je préférerais quand même ne pas être à la place d'Emily (personnage deLa Dernière Piste) parce qu'à l'époque, en tant que femme, j'aurais été bien plus limitée dans mes choix.En fait j'avais une 3e option angoissante pour vous : réaliser une comédie en Californie.Ahaha, mais c'est peut-être ça mon prochain projet !Vous vous verriez vraiment changer de style à ce point ?Eh bien je vais vous surprendre mais à l'origine deNight Moves, Jon et moi travaillions sur quelque chose de bien plus joyeux, toujours dans le milieu des écolos : une romance entre un jeune homme et une fille qui travaillent dans une ferme bio, comme celle où bosse Josh dans le film ! Et très vite j'ai vu que ça ne fonctionnait pas, alors je suis retournée à quelque chose de plus sombre.Un aspect amusant du casting : Jesse Eisenberg et Peter Sarsgaard jouent des éco-terroristes et sont tous deux des super-méchants dans des films DC : la suite de Man of steel et Green LanternAh c'est vrai. Je pense que tourner dans des films comme Night Moves, pour eux, comment dire... Peut-être que je leur apporte une « street-credibility » ! Quand la nouvelle de Superman est tombée pour Jesse, je me suis surtout dit « j'espère qu'il aura quand même le temps d'assurer la promo de mon film » ! Sinon j'étais contente pour lui, mais le truc c'est que je ne connais pas du tout le personnage.Luthor est l'ennemi numéro 1 de Superman, un méchant milliardaire tout puissantAh, carrément ? Intéressant. C'est marrant qu'on ait pensé à lui. Par contre je trouve qu'il serait temps que Jesse joue un gentil en fait.Il n'a pratiquement fait que ça, ou alors des rôles d'ados timides. Même dans Zombieland il a ce côté là alors qu'il tue des morts-vivants.Mais oui c'est vrai, Zombieland ! Je pense qu'il sera très bon en tout cas, il peut apporter sa touche au rôle, c'est un très bon comédien qui mérite ce qui lui arrive. Excusez-moi, mais depuis tout à l'heure je regarde ce petit signe sur votre sweat, qu'est-ce que c'est ?Oh rien, juste le logo de la marqueC'est marrant, on dirait un sapin avec une croix par-dessus... Du coup je pensais que c'était un truc de défense de la nature genre « laissez les arbres tranquilles », vous voyez (rires) ?Yérim SarNight Moves de Kelly Reichardt, avec Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard, aujourd'hui dans les salles
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