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Pour son premier film, Sylvie Testud embarque Juliette Binoche et Mathieu Kassovitz aux frontières du fantastique.La Vie d'une autre est le premier film comme réalisatrice de Sylvie Testud. L'actrice attachante (de Karnaval à Stupeurs et tremblements) s'est lancé dans l'adaptation du roman de Frédérique Deghelt et raconte une divagation sentimentale. Marie (Juliette Binoche) se réveille un matin et découvre avec stupeur qu'elle est mariée, a un gosse mais ne se souvient de rien. Elle comprend progressivement quel personnage elle est devenue (en gros, un patron sans humanité et terriblement ambitieuse) et décide de tout faire pour reconquérir son bonheur et son mari (presque) perdus (Mathieu Kassovitz toujours juste dans ses seconds rôles). Ce drôle de film évolue sur le fil instable de la comédie romantique, du fantastique lynchien et de la fable moderne. Et Testud rejoint la liste pas si longue de film français qui ont navigué aux confins du fantastique. Des exemples ? En voilà 5.Par Pierre LunnLa Moustache La Moustache démontrait la volonté d'Emmanuel Carrere (qui adapte ici son propre bouquin) de faire jouer les genres entre eux. Carrère s'amusait à faire bouger les plaques du réalisme et du fantastique en faisant sombrer son drame bourgeois dans la quatrième dimension. Finalement, un peu comme dans La Vie d'une autre, sous La Moustache se dissimule un essai existentialiste sur le couple, et sur la façon dont le regard de l'autre nous affecte jusque dans notre façon de vivre. Brillant.Ne te retourne pas Sophie Marceau se transforme en Monica Bellucci. Derrière le concept glam' du film, un trauma, celui d'une femme qui change de visage et mue à mesure qu'elle découvre  son passé enfoui... Plus psy que le film de Testud - plus bis aussi - l'atmosphère du film de Marina De Van s'évanouissait dans les effluves du film-mental vertigineux et du freudisme parfois abstrait. Reste la double performance de Bellucci/Marceau hallucinante. Harry un ami qui vous veut du bienC'est un peu le blue print de tous ces films mentaux à la française. En 2000, en racontant l'étrange histoire / amitié / relation entre Harry et Michel, le sardonique Dominik Moll jouait en alternance sur l'attendu et l'inattendu, et faisait tenir dans un même film le cinéma de genre fantastique où tout est possible et la comédie de moeurs à la française, basée sur  l'observation, le réalisme psychologique et l'étude de caractère. Derrière la grande finesse des personnages et des dialogues, la parfaite crédibilité socio (la petite-bourgeoisie cool violemment disséquée), Moll réussissait surtout à faire surgir l'angoisse en sortant les fantômes du placard. Derrière le 3 pièces cuisine flottait le souvenir de Twin Peaks.