Guillaume Canet a-t-il réussi son film américain ?
On vous a suffisamment fait le pitch et raconté l’aventure du premier film en anglais de Guillaume Canet, une relecture des Liens du sang, de Jacques Maillot, dont il tenait la vedette en 2008 avec la moustache de François Cluzet. Place maintenant au résultat, fantasme de polar new-yorkais 70's dans lequel deux frères jouent aux flics et aux voyous sur fond de gunfights rétro et de soul music. C’est là que Blood Ties affiche ses limites : le fantasme peine parfois à être plus que cela, à dépasser l’illustration vintage, l’hommage d’un cinéaste à un genre qu’il révère pour trouver sa propre identité. Une perche trop belle tendue à ceux qui rêvaient de tomber sur Canet depuis le carton des Petits Mouchoirs – sa réalisation de « fan » en fait une cible facile, mais elle a en même temps le mérite de dégager une vraie sincérité (la maladresse des scènes d’action, elle, est moins excusable).
Là où le film – et Canet – brille, c’est dans la direction d’acteurs, tirant le meilleur d’un cast hétéroclite mais d’une cohérence absolue à l’écran. Le charisme arrogant de Clive Owen, l’intensité discrète de Billy Crudup, la fureur rentrée de Zoe Saldana, la terreur suintante de Matthias Schoenaerts… Ils impressionnent tous à égalité, mais le véritable patron, celui qui fait s’arrêter le temps dès qu’il apparaît à l’image, s’appelle James Caan. En l’espace de trois scènes fulgurantes, il laisse une énorme boule dans la gorge et irrigue Blood Ties de sa mélancolie cabossée, se plaçant immédiatement en pole position pour l’Oscar du meilleur second rôle. On appellera ça le Festival de Caan.
Mathieu Carratier
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