Tous les jours, le point à chaud en direct du 76e festival de Cannes.
Le film du jour: Anatomie d’une chute, de Justine Triet
Tous les films de Justine Triet ont connu une sélection cannoise, sans jamais pour autant y avoir glané une récompense. A en juger par les réactions enthousiastes à la sortie de la projection d'Anatomie d'une chute, la donne pourrait changer avec ce quatrième long, co- écrit par Arthur Harari qui vient aussi de camper George Kiejman dans Le Procès Goldman. Et, comme chez Kahn, un procès se retrouve aussi au coeur de ce récit à suspense au titre “Premingerien”.. Celui d’une femme écrivaine, mère d’un fils malvoyant, accusée du meurtre de son compagnon dans un chalet à la montagne. Mais que s’est-il réellement passé ? C’est à la justice de trancher et… à Justine Triet de multiplier les strates pour disséquer ce qui était à l’oeuvre à l’intérieur de ce couple.
La cinéaste explore ici la judiciarisation de l’intime tout en ambitionnant formellement de faire voler en éclats les codes filmiques du film de procès par un jeu de zooms, de contres- plongées... Tout ne convainc pas. Les 2h30 auraient gagné à être raccourcies. Certains symboles y sont trop appuyés. Mais un duo d’acteurs majeurs - Sandra Hüller et Swann Arlaud dans les rôles de l’accusée et de son avocat - gomment nombre de ces imperfections. Après The Zone of interest, la comédienne allemande vient de prendre une longueur d’avance dans la course au prix d’interprétation.
La star du jour : Jude Law dans Le Jeu de la reine, de Karim Aïnouz
Il éructe, grogne, gratte sa jambe infectée, tyrannise sa cour, violente sa femme Catherine Parr (Alicia Vikander) – la sixième, qui succéda à des épouses divorcées, décapitées ou mortes en couches. Jude Law s'éclate à composer un Henry VIII libidineux, Barbe-Bleue british, dégueulasse et décadent, comme il s'éclatait récemment dans le costume d'un Capitaine Crochet très très méchant dans le Peter Pan & Wendy de David Lowery.
Deux rôles d'affilée qui confirment que l'acteur quinqua accepte désormais joyeusement les signes du vieillissement et, qui sait ?, commence à s'inventer un futur de character actor déglingo. Si Vikander est l'héroïne de ce récit d'empowerment féminin rondement mené par Karim Aïnouz, Jude Law, sa bedaine d’ogre et ses guibolles purulentes, sont la vraie attraction du Jeu de la reine (Firebrand en VO).
La traduction du jour : “Le Macron” de Todd Haynes
A la conférence de presse de May December (avec Julianne Moore et Natalie Portman), Todd Haynes est interrogé sur la signification du titre de son film. Le réalisateur explique que l'expression fait référence à un couple dont l'un des deux est plus âgé que l'autre. "Certains en France appellent ça ''Le Macron''", se marre Haynes. Eclats de rires de Julianne Moore et des journalistes. La vanne est complètement gratos, mais avouez que c'est marrant.
Ha! Todd Haynes says ‘May December’ is a reference to an age gap relationship. He says, ‘in France they call it as Le Macron’ - gasps and laughs in the room #Cannes pic.twitter.com/2CzggmsbyA
— Deadline Hollywood (@DEADLINE) May 21, 2023
La scène du jour : Pierre Niney en chef d’orchestre dans Le Livre des solutions
En plus de la prestation impec de Pierre Niney en alter ego de Michel Gondry (son grand retour après Microbe et Gasoil, en 2015), il y a dans Le Livre des solutions - projeté à la Quinzaine - une scène assez démente, un truc aussi désopilant que sublime. Marc, le personnage de Niney, est incapable de terminer son film, mais se met en tête d'en composer lui-même la musique alors qu'il n'y connaît rien. Et comme son champ artistique ne connaît visiblement aucune limite, il loue un orchestre symphonique, ordonne au chef d'orchestre de quitter la pièce et commence à fredonner une mélodie, que les musiciens sont intimés de reproduire.
Marc les guide avec son corps tout entier ("Si j'écarte les bras, ça veut dire plus fort. Si je me penche en avant, ça veut dire plus grave"), jusqu'à trouver la mélodie parfaite de façon totalement empirique, sur l'instant. Il faut un ego gros comme ça pour (s')écrire une scène pareille, mais avouons que cet éloge de l'impro et de la bidouille est absolument imparable.
La pluie du jour : Acide de Just Philippot
C’est ce qu’on appelle un sens du timing parfait ! Alors que la pluie a décidé de laisser souffler le festivalier trempé pour la première fois depuis l’ouverture de Cannes, elle tient le rôle central du deuxième long métrage de Just Philippot qui fait mieux que confirmer les espoirs placés en lui avec son premier long La Nuée. Une pluie acide qui s’abat sur le nord de la France et se met à trouer, déchiqueter, réduire à néant végétations, constructions et êtres vivants (un travail époustouflant d’effets spéciaux rendant la chose aussi spectaculaire que crédible) et à laquelle un couple séparé (Guillaume Canet impressionnant de tension viscérale et Laetitia Dosch, tout aussi épatante dans un registre d’action girl inédit pour elle) et leur fille de 15 ans vont tenter de résister. Acide est n survival écolo où le message façon signal d’alarme n’écrase jamais le cinéma. Un film catastrophe d’autant plus flippant que la réalité n’a jamais semblé aussi proche de cette fiction.
La vidéo du jour : rencontre avec Bertrand Mandico
Le cinéaste des Garçons sauvages a accompli un drôle de tour de force : porter au cinéma, en France, Conan le barbare de Robert E. Howard ! Mais son Conann (notez le double "n" à la fin) reste un film de Mandico. Un immense trip où la Barbare - car chez lui Conan est une femme - qui, accompagnée d’un démon à tête de chien, change de corps et d’époque dans un happening frénétique et cannibale. Avec son Conann à la Quinzaine des cinéastes, Mandico est-il digne du Valhalla ? On est allé lui poser la question.
Lundi à Cannes
On fêtera le grand retour d’Aki Kaurismäki, en compétition avec des Feuilles mortes qui confirment après Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan la teneur très végétale de ce 76e Festival ; Club Zéro de Jessica Hausner, en compète elle aussi, l’histoire d’un cercle très fermé dirigé par Mia Wasikowska - on a forcément envie de se renseigner sur les conditions d’admission. Et on a beau être lundi, c’est déjà l’heure de The Weeknd, qui nous invite à nous prosterner devant The Idol.
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