Adapté du roman de Laurent Gaudé, Chien 51 devient un polar futuriste haletant, porté par Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos.
À l’origine, il y a le roman de Laurent Gaudé, prix Goncourt des lycéens 2022, qui imaginait une mégapole fracturée en trois zones sociales, dirigée par une multinationale omnipotente. Dans le livre Chien 51, on suivait Zem, exilé grec devenu flic de la zone 3, un homme brisé par l’Histoire et qui ne survivait qu’en replongeant dans ses souvenirs grâce à une drogue technologique. Au fil d’une enquête sur un meurtre sordide, Gaudé déroulait une fable politique sur les inégalités, le climat, la marchandisation du monde. Jouant à la fois la carte du thriller techno, mais également de la fable politique et de l’essai psychologique.
Cédric Jimenez a choisi d’adapter ce récit vertigineux, mais à sa manière : en gardant l’armature - les zones et le duo de flics issus de mondes opposés - et en recentrant tout pour convoquer l’efficacité du thriller. “Ce qui m’intéressait surtout, c’était la relation entre les deux personnages et cette histoire un peu utopique au milieu de la dystopie”, nous confie le réalisateur dans le dernier numéro du magazine Première (actuellement en kiosques). Avec son co-scénariste Olivier Demangel, il assume de s’être éloigné du texte, pour coller aux codes d’une pure fiction de genre : “Un vrai thriller d’action très généreux pour le spectateur, qui doit résider dans le plaisir d’être accroché à son siège.”
Résultat : là où Gaudé multipliait les époques et les digressions, pouvait consacrer un chapitre entier à des visions, ou s’embarquait dans un trip littéralement homérique et nostalgique, Jimenez a décidé de tout ramener à un Paris futuriste, “une sorte de futur augmenté”, qui devient le terrain de jeu d’un récit en temps réel.
"J’aurais pu coller au livre et tenter d’adapter ses digressions et tous les éléments passionnants qu’il développe. Mais il me semblait impossible de tout mettre dans un seul film. Il fallait faire des choix. Ma proposition, c’est de traduire tout ça par le mouvement permanent. Quand les frères Safdie font Uncut Gems, ils n’expliquent pas le monde des diamantaires de New York dans son ensemble, qui est pourtant très vaste. Ils prennent un personnage sur 72 heures, qu’on suit dans sa fuite en avant. C’est une vraie proposition, un angle, et une fois que cet angle est adopté, forcément, il faut l’assumer."
La promesse c'est donc que le polar dystopique se mue en film d’action. Porté par Gilles Lellouche en flic fatigué et Adèle Exarchopoulos en partenaire d’une autre zone, on verra ces deux personnages se rapprocher et se réparer dans un monde en ruine.
Autour d’eux, un casting all-star - Romain Duris, Louis Garrel, Valeria Bruni-Tedeschi, Artus - que Jimenez assume comme un choix de générosité : “Pour donner envie aux gens de se déplacer en salles, il faut aussi leur offrir la possibilité de retrouver à l’écran des acteurs qu’ils aiment.” Avec son ambition affichée de spectacle total, Jimenez signe ce qui pourrait être son film-somme : une dystopie nerveuse et populaire, où la question de la liberté - ou de son abandon - est abordée via le thriller. Une adaptation qui ne cherche pas à tout dire, mais à tout faire ressentir, dans le mouvement et l’adrénaline.
"Chien 51 vient clôturer – même s’il ne faut jamais dire jamais – ce qu’on pourrait appeler ma 'trilogie policière' entamée avec BAC Nord et Novembre (...) Mes personnages, qu’ils soient flics de la BAC, de l’anti-terrorisme ou juge d’instruction, et que leurs intentions soient bonnes ou mauvaises, vont toujours se faire malmener par un système qui les dépasse. Mais ça va de pair avec la question de la liberté et d’une société qui peut être très oppressante envers le développement individuel. C’est peut-être ça qui rejoint tous mes films jusqu’ici."
"Et puis après, j’irai voir d’autres horizons", ajoute le cinéaste qui prépare déjà son biopic sur Johnny Hallyday avec Raphaël Quenard.
Synopsis officiel : Dans un futur proche, Paris a été divisé en 3 zones qui séparent les classes sociales et où l’intelligence artificielle ALMA a révolutionné le travail de la police. Jusqu’à ce que son inventeur soit assassiné et que Salia et Zem, deux policiers que tout oppose, soient forcés à collaborer pour mener l’enquête.
Chien 51, actuellement au cinéma
Biopic de Johnny Hallyday : "Raphaël Quenard sait incarner la différence, le mystère" [exclu]







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