Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
CHIEN 51 ★★★☆☆
De Cédric Jimenez
L’essentiel
Cédric Jimenez signe une dystopie nerveuse, visuellement impressionnante, mais affaiblie par un scénario simplifié par rapport au roman original de Gaudé.
Avec Chien 51, Cédric Jimenez s’attaque à la SF. Le réalisateur de BAC Nord sait tenir une caméra et nous plonge dès le générique dans son Paris futuriste. C’est l’autre bonne surprise du film : sa mégapole compartimentée en trois zones sociales, est magnifiquement recréée. Les décors sont soufflants et la manière dont la caméra de Jimenez franchit les zones, file sur les traces de ses flics ou fonce à travers les dance-floors est tétanisante. On regrettera alors que la mécanique du scénario ne soit pas toujours à la hauteur de son style. En adaptant Laurent Gaudé, Jimenez et son scénariste Olivier Demangel ne gardent que le décor. Ils se débarrassent des thèmes (la nostalgie, le broyage capitalistique, la rédemption impossible) qui faisaient la richesse du roman. Et on a parfois l’impression que le polar futuriste se contente d’aller droit devant, quitte à laisser la profondeur du livre original en Zone 3. Un spectacle solide, visuellement bluffant, même si narrativement inégal.
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéPREMIERE A BEAUCOUP AIME
DEUX PIANOS ★★★★☆
De Arnaud Desplechin
De retour à Lyon après un long exil, Mathias Vogler (François Civil) retrouve Elena (Charlotte Rampling) qui le pousse à reprendre le piano à haut niveau en France, tandis que Claude (Nadia Tereszkiewicz) s’évanouit sans raison lorsqu’elle le voit sortir d’un ascenseur, et que la seule vue d’un enfant au parc le replonge dans un état maniaque et la bouteille. Un temps mystérieux, le scénario de Deux Pianos révèle avec éclats le poids que prennent avec le temps les non-dits, et accompagne tranquillement le doux vieillissement d’un auteur aux songes rétrospectifs. Artiste ou père de famille, ces deux options sont irréconciliables chez Desplechin. Quelques envolées comiques transpercent le récit (les blagues juives qu’écoute ou répète Claude), et rappellent qu’il a toujours été très drôle. Peut-être malgré lui ? Pour affronter les épreuves de la vie, quitte à en blesser quelques-uns, lui non plus ne saurait faire autrement.
Nicolas Moreno
Lire la critique en intégralitéLA VIE DE CHÂTEAU, MON ENFANCE A VERSAILLES ★★★★☆
De Clémence Madeleine- Perdrillat et Nathaniel H’Limi
Au départ, il y a un court métrage animé autour d’une petite fille de 8 ans devenue orpheline - après la mort de ses parents dans les attentats du Bataclan - qu’on envoie vivre chez son tuteur, son oncle, agent d’entretien au château de Versailles qu’elle n’aime pas. Puis une mini- série de 6 épisodes pour la chaîne Okoo. Et voilà que le duo Clémence Madeleine- Perdrillat- Nathaniel H’Limi prolonge l’aventure en long métrage. Le résultat se révèle une pure merveille. Par sa forme : la beauté de son animation sobre et épurée. Mais aussi et surtout par son récit d’une infinie finesse qui s’y déploie à la hauteur constante de cette enfant devant se reconstruire auprès de ce géant bourru chez qui elle se retrouve forcée de vivre. Un film majeur et incroyablement attachant sur le deuil, capable en outre de parler à tous les publics, sans pour autant chercher le plus petit commun dénominateur.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéTHE CHRONOLOGY OF WATER ★★★★☆
De Kristen Stewart
C’est un projet que Kristen Stewart a mis des années à faire éclore. Le temps d’abord de digérer le choc ressenti en lisant La Mécanique des fluides où Lidia Yuknavitch y racontait une jeunesse brisée par un univers familial d’une rare toxicité, entre une mère alcoolique et un père qui a abusé d’elle puis sa reconstruction pied à pied, par la littérature. Le temps, ensuite, de réfléchir à comment s’emparer de cette vie pour la transformer en un long métrage de fiction et de trouver les financements pour suivre le chemin qu’elle a choisi, tout sauf consensuel, en allant creuser les failles au lieu d’arrondir les angles. Le résultat impressionne par cette radicalité- là. Sa mise en scène n’a rien de discrète, elle envahit volontairement l’écran dans un geste de plasticienne qui joue en permanence sur les couleurs, la matière et le son où les rapports physiques y sont organiques et dénués de tout érotisme. Dans chaque plan, on sent un désir fou de faire du cinéma et d’aller au bout de ses convictions avec l’immense Imogen Poots qui campe son héroïne dans un geste où finesse et puissance ne font qu’un.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLUMIERE PÂLE SUR LES COLLINES ★★★★☆
De Kei Ishikawa
Etsuko vit en Angleterre avec sa fille. Mais ses souvenirs la ramènent au Japon des années 50, quand, jeune femme, elle observait la survie fragile d’une amie dans un Nagasaki ravagé par la guerre. C’est dans cette oscillation entre présent et passé que Kei Ishikawa installe son adaptation du premier roman de Kazuo Ishiguro (Les Vestiges du jour) et navigue entre Jane Austen et Kafka, les souvenirs élégiaques et les traumas existentiels des conflits. Ce qui frappe d’emblée, c’est la beauté visuelle. Dans ces décors à demi effacés, les visages comptent plus que les dialogues. A Cannes, certains reprochaient au film de lever trop directement les ambiguïtés du roman, mais c’est paradoxalement sa force : donner corps à ce que la littérature ne fait qu’esquisser. En choisissant la clarté sans renoncer à la délicatesse, Lumière pâle sur les collines trouve son équilibre : un cinéma pudique, hyper élégant et mélancolique, où la mémoire est une lumière fragile qui éclaire et réchauffe un peu les souffrances.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
DRACULA ★★★☆☆
De Radu Jude
Le roumain Radu Jude adepte des farces iconoclastes promptes à dézinguer notre époque saturée de partout (Bad Luck Banging or Loony Porn, N’attendez pas trop la fin du monde…) imagine cette fois un jeu de massacre autour de la figure de Dracula. Dans ce film-monstre et gigogne, un cinéaste (Adonis Tanta) cherche la bonne formule pour revisiter le mythe du vampire. Entre relecture contemporaine dans une ville de Transylvanie où des touristes s’offrent le grand frisson, remakes très approximatifs du Nosferatu de Murnau ou du Vampyr de Dreyer, délire porno ou pamphlet politique, tout y passe et repasse. Aux antipodes des dernières sorties du célèbre vampire (Eggers, Besson…), ce Dracula démythifie une figure dévitalisée à force d’avoir été agitée telle une marionnette commerciale. Film punk, débraillé, allumé mais qui à l’instar des visions volontairement chaotiques d’un Pasolini ou d’un Godard n’en demeure pas moins ultra-clairvoyant sur l’état déliquescent de notre monde.
Thomas Baurez
LE DERNIER COMPROMIS ★★★☆☆
De Anne Fonteneau
En 2023, Laurent Berger quittait la tête de la CFDT, devenu sous son mandat le premier syndicat de France, après 11 ans de gouvernance. Ce documentaire raconte ses derniers mois avant de raccrocher, en pleines manifestations massives contre la réforme des retraites. Et dans notre époque de dénigrement permanent du personnel politique et syndical, il apparaît comme d’intérêt public. Car il permet de voir l’impact concret de l’engagement sur la vie personnelle du principal intéressé. Comme ce moment où le Président Macron choisit de le cibler directement, lui, plutôt que les leaders d’organisations plus radicales. Et où la souffrance d’être ainsi mis en lumière se lit sur son visage, cette personnalisation étant tout ce qu’il abhorre. Toujours au plus près de son sujet mais jamais envahissante, Anne Fonteneau raconte à travers le départ de Berger le basculement vers un monde dans lequel la recherche de compromis est de plus en plus vu comme de la compromission. Le dernier des Mohicans.
Thierry Cheze
JOURNAL INTIME DU LIBAN ★★★☆☆
De Myriam El Haji
Trois voix pour une seule voie possible : libérer la société libanaise du poids du passé et d’une corruption assassine qui a littéralement explosé à la face du pays (et du monde entier) en 2020 sur le port de Beyrouth. Nous suivons ici le combat d’un vétéran fatigué du système, une jeune élue empêchée dans son ascension et un artiste engagé. Il en résulte un film vivant, foisonnant, qui traduit les coups d’éclats et d’arrêts d’une lutte en marche. « Je ne veux pas attendre un miracle, je veux changer les choses... » entend-on.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
MARCEL ET MONSIEUR PAGNOL ★★☆☆☆
De Sylvain Chomet
La postérité de Marcel Pagnol, c’est sa redécouverte perpétuelle. Alors que les cinéphiles se sont récemment régalés d’une grande salve de rééditions de ses films, Sylvain Chomet (Les Triplettes de Belleville) propose ce biopic animé, mettant en scène une conversation entre un Pagnol vieillissant et son double enfantin, prétexte à retracer la vie du géant phocéen. Le concept du dialogue à travers le temps entre les deux Pagnol, joli sur le papier, ne produit pourtant pas grand-chose de fort, et le film n'échappe pas, malgré la distance permise par l’animation, aux passages obligés du biopic-Wikipédia. Les jeunes spectateurs seront ensevelis sous les infos balancées à toute allure, quand les vieux connaisseurs, eux, regretteront que tout paraisse survolé. Reste la belle idée d’avoir incorporé au dessin animé des vrais extraits des films de Pagnol, qui donnent envie de redécouvrir ceux-ci – encore et toujours.
Frédéric Foubert
HOPPER ET LE SECRET DE LA MARMOTTE ★★☆☆☆
De Benjamin Mousquet
Hopper revient pour une seconde aventure animée, cette fois sur les traces d’une mystérieuse marmotte capable de réécrire le passé. On sent l’ambition d’élargir l’univers et de multiplier les trouvailles très Indiana Jones - temples piégés, créatures farfelues, mythologie familiale - mais l’ensemble manque un peu d’âme. L’animation 3D, correcte sans plus, peine à rivaliser avec les productions internationales, et les incursions en 2D, censées apporter une touche poétique, restent décoratives. Le trio de héros, élargi à une sœur cachée, n’échappe pas aux stéréotypes : le comique de service force le trait et l’héroïsme se résume à des courses- poursuites répétitives. Quelques idées visuelles sauvent de l’ennui (notamment celles avec les improbables cochons- guimauves) mais la mécanique tourne à vide. Une suite fonctionnelle qui ne retrouve jamais tout à fait l’énergie et le charme du premier film.
François Léger
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LE JOUR J ★☆☆☆☆
De Claude Zidi Jr.
Chez les Porte, les hommes, de génération en génération, ont une fâcheuse tendance de mourir en héros. Alors en juin 44, la mère du jeune Denis a réussi à le faire planquer sur une base militaire anglaise… factice où, sa seule mission est de déplacer au quotidien des soldats postiches pour tromper l’année. Mais sa rencontre avec un jeune médecin algérien qui rêve de rencontrer De Gaulle et une soirée particulièrement arrosée vont les entraîner tous deux à prendre part au débarquement. Même s’ils n’en connaissent ni la date, ni le lieu exacts. Hélas pour Claude Zidi Jr., on est plus proche ici des Bidasses en folie de son célèbre paternel que de Papy fait de la résistance mais sans pour autant le charme du pur nanar. Scénario poussif, humour daté, interprétations mêlant sorties de piste incontrôlées (Jarry en officier nazi…) et pantouflage paresseux (Didier Bourdon…), réalisation transparente, voilà un nouvel exemple de ces nombreuses comédies françaises qui semblent plus viser le prime télé d’un dimanche soir que le grand écran.
Thierry Cheze
Et aussi
Black phone 2, de Scott Derrickson
Et la vie va…, de Abraham Ségal
Jack et Nancy- Les Plus belles histoires de Quentin Blake, programme de courts métrages
Sam le pompier- Nouvelle caserne, grandes aventures !, programme de courts métrages
Les reprises
Insaisissables 2, de Louis Leterrier
Lenny, de Bob Fosse
Nuages flottants, de Mikio Naruse
Une journée particulière, de Ettore Scola







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