Deadpool 3
Marvel

Vulgaire, trash mais jamais incorrect, le "Marvel Jesus" est exactement ce qu’on attendait de lui.

Un seul film en 2024, mais quel film ! Le Marvel Cinematic Universe avait trouvé son sauveur : Deadpool, le mercenaire à grande gueule, enfin intégré dans le grand plan quinquennal Disney, associé à Wolverine/Hugh Jackman, jamais recasté depuis le premier X-Men il y a un quart de siècle… L’idée est brillante, au fond, et la promo fort efficace vendait cette association comme la parabole de la fusion entre le style trash de Deadpool et le blockbuster Marvel top qualité, celui des héros et des exploits, de la grandeur et des fonds verts.

Le résultat est à la hauteur, sans conteste. Deadpool & Wolverine accomplit parfaitement son objectif. Il le fixe lui-même, de toutes façons : Deadpool est littéralement chargé de sauver "la chronologie sacrée", à savoir l’univers lui-même, par le TVA, le bureau temporel qui régule les paradoxes et les infractions du multivers. Comme Deadpool le rappelle tout le temps, il est le "Marvel Jesus", à la fois dépositaire des doléances de la fanbase, et forgeur d’une nouvelle alliance par la blague et la violence - comme disait l’original : je ne suis pas venu amener la paix, mais l’épée. Au gré des aventures, il va devoir s’allier avec un des Wolverine du multivers (Hugh Jackman, toujours immense), et on s’arrêtera là pour ne pas rentrer en territoire spoiler.

Deadpool & Wolverine
Walt Disney Studios

Il sera bien temps de faire la liste des surprises de dingue et des caméos de folie que propose le film. C’est d’ailleurs l’essentiel du film : imaginez une version extrême de Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Sinon, comme une roulette russe, le flow des blagues hyper crues de Deadpool fait mouche une fois sur six, en fonction de votre sensibilité. Elles sont très vulgaires, mais absolument pas incorrectes : les plus osées affirment que, quand même, toute cette histoire de multivers a fait bobo au MCU et dire "cheh" à la Fox pour avoir fait n’importe quoi avec Marvel.

Ce sont là des vannes, et des caméos, calibrés pour le "Hall H" du ComicCon, pour citer l’un des meilleurs passages de The Fall Guy. Des vannes qu’on jurerait écrites avec la validation d’un cabinet juridique -pas une seule réplique à propos de Jonathan Majors, ex-futur super grand méchant des prochains Avengers, ou sur T.J. Miller, qui jouait le sidekick de Deadpool dans les deux films précédents, pour ne citer que deux exemples plutôt évidents ? Et puis quoi encore ? Citer le nom de Bryan Singer ? Evoquer les problèmes de continuité des Eternels ? Pas le bon univers, on dirait.

GALERIE
20th Century Studios/ MARVEL

Deadpool & Wolverine ne s’envisage à aucun moment comme un acte réflexif envers le MCU (on est très loin d’Iron Man 3 à ce niveau). Ce qui est sûr, c’est qu’à force d’éparpillement - le multivers, symbole des séries volatiles et inconséquentes Disney+ - le MCU a beaucoup perdu de sa force de cinéma : on repense au très beau Captain America : First Avenger, où le héros était à la fois caricature et modèle, propagande et mythe. Deadpool & Wolverine ne fait jamais mine d’interroger à ce sujet le MCU, de près comme de loin ; l’horizon de cinéma du film est plutôt de monter de grosses scènes d’action au ralenti sur fond de musique pop (Grease, Madonna) qui n’ont guère d’enjeu narratif.

Le délire gentiment punk (du calme, on a dit : gentiment) des deux premiers Deadpool a laissé place à un professionnalisme sans faille. En passant sous pavillon Disney, Deadpool n’est pas devenu le bouffon du roi mais un joyeux membre de l’équipe officielle. Quelqu’un devrait lui rappeler plus souvent, comme le fait le film, les derniers mots de Wolverine à X-23 dans Logan : "ne deviens pas ce qu’ils ont fait de toi". Message reçu, vu et s’en tape.