Ghost : la success story inattendue d'un carton planétaire
Paramount

À l'occasion de sa rediffusion sur W9, retour sur le carton inattendu de Ghost, sorti il y a 30 ans.

Difficile d'entendre aujourd'hui les noms de Patrick Swayze, Demi Moore ou d'écouter l'"Unchained Melody" des Righteous Brothers sans penser à Ghost, le mélodrame de Jerry Zucker qui vient de fêter son trentième anniversaire. Énorme succès des deux côtés de l'Atlantique, le film est devenu l'un des piliers de la filmographie de son duo d'acteurs principaux et l'un des films tire-larmes les plus efficaces du genre.

Malgré son aspect naturel rétrospectivement, le triomphe de Ghost n'en demeure pas moins pour l'époque une anomalie, du moins en terme de proportion. Car comme beaucoup de films devenus cultes, Ghost fut un succès qui aurait très bien pu ne jamais avoir eu lieu sans quelques décisions en apparence risquées mais finalement salutaires. À l'occasion de la diffusion du film cet après-midi, retour sur la belle histoire d'un film qui a marqué son époque au-delà des espérances.

 

Ghost fête ses 30 ans !

Des débuts hésitants

À l'origine du succès de Ghost, il y a un homme : Bruce Joel Rubin, scénariste américain dont la filmographie n'est à l'époque constituée que d'un court-métrage de jeunesse de Brian de Palma (Jennifer en 1964), et ses scripts de Brainstorm de Douglas Trumbull et L'amie mortelle de Wes Craven. Passionné par les fantômes, Rubin est travaillé depuis le milieu des années 60 par une idée : raconter une histoire d'amour du point de vue du fantôme d'un héros décédé. Une idée inspirée par une expérience sous LSD qui mettra plus de deux décennies à déboucher sur une première version du scénario. Au milieu des années 80, Rubin fait le tour des majors hollywoodiennes qui se montrent pour la plupart très intéressées par le concept : c'est finalement la Paramount qui décrochera le gros lot.

Pour mettre en images le scénario de Rubin, le studio, par l'intermédiaire de la productrice Lindsay Doran, a alors une idée en tête particulièrement déroutante, comme l'expliquait Rubin il y a quelques mois dans une interview à Vanity Fair : "Mon cœur battait la chamade, je pensais à Spielberg, Scorsese... Et là, elle me dit : Jerry Zucker. […] Je pensais que c'était le pire choix possible". Il faut dire que le nom de Jerry Zucker reste associé, encore plus à l'époque à un acronyme : les ZAZ, trio qu'il formait avec son frère David Zucker et Jim Abrahams resté célèbre pour son art de la parodie et les succès de Y a-t-il un pilote dans l'avion ? et la série des Y a-t-il un flic... ? Autant dire pas forcément un nom auquel Rubin pensait pour sa love story d'outre-tombe.

Le scénariste surmonte cependant ses réticences et se laisse finalement convaincre à l'idée de rencontrer Zucker à l'occasion d'un dîner organisé par Doran, dîner au cours duquel les deux hommes se découvrent des atomes crochus. "Je suis tombé amoureux de ce type. Il est généreux, drôle et profondément philosophe. On ne s'attend pas à ça quand on voit ses comédies", déclarait Rubin dans un article du L. A. Times paru à la sortie du film en 1990. "Ce que j'aimais dans le scénario, dès le départ, c'est qu'il était écrit par quelqu'un qui croyait réellement à la spiritualité et qui prenait ce genre d'affaires très au sérieux", expliquait pour sa part Zucker. Ensemble, ils passeront près d'un an à réécrire le scénario du film. L'écriture de Ghost, imaginé comme une version modernisée de Hamlet, se poursuivra jusqu'au moment du tournage, au cours duquel le script connaîtra de nouvelles modifications.

Dans son interview à Vanity Fair, Bruce Joel Rubin partage d'ailleurs une anecdote sur la scène la plus célèbre du film, à savoir la séance de poterie la plus torride de l'histoire du septième art. Une scène proposée par Jerry Zucker comme un clin d'oeil à son partenaire, dont la femme pratiquait l'art de la poterie. "Ce n'était pas du tout quelque chose de préparé. À l'origine on devait tourner une scène d'amour plus conventionnelle. On s'est regardés et on a vite compris que ce qu'on avait était vraiment génial. La scène de la poterie était tellement érotique qu'on n'avait besoin de rien d'autre". La scène de sexe en question, initialement tournée la veille de celle de la poterie, fut donc au final coupée au montage.

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Un casting sous tension

L'association hétéroclite formée par Bruce Joel Rubin et Jerry Zucker ne fut pas le seul risque auquel fut confronté Ghost au cours de sa production. Le casting du couple emblématique du film donna lieu à d'intenses tractations. Pourtant, au moment d'écrire la première version du script, Rubin a déjà en tête le nom de Patrick Swayze, après avoir vu une interview télévisée dans laquelle l'acteur évoquait le mort de son père en 1982. Un choix pourtant accueilli fraîchement par Zucker, comme on peut l'entendre dans le bonus de l'édition DVD Rétrospective Ghost : La magie revient, où le cinéaste déclare qu'à l'époque, "il [aurait fallu lui] passer sur le corps pour qu'il ait ce rôle !".

La Paramount contacte alors de nombreux acteurs, et nombreux sont ceux qui passent chacun leur tour, surtout lorsqu'ils découvrent qu'ils doivent jouer un fantôme : "Qui a refusé le rôle ? Tout le monde. Harrison Ford avait dit : 'J'ai lu ce truc trois fois et j'ai toujours rien compris'. Michael J. Fox, Paul Hogan, et d'autres encore, ont tous refusé. Ils ne voulaient pas jouer un mort... ils voyaient tous cela comme une perte de vitalité. Il n'y avait personne... Quand Patrick a dit oui, il a véritablement sauvé le film", se souvient Rubin dans son interview. Swayze est en effet le seul à l'époque à croire au potentiel du rôle, et finit de convaincre Zucker en lui jouant la scène de l'adieu à Molly.

Le cas de Demi Moore ne fut pas plus simple à trancher pour la simple raison qu'elle n'aurait jamais dû jouer dans le film. Si son nom fut abordé dans la shortlist des actrices envisagées pour le rôle aux côtés de Madonna ou Nicole Kidman, la production lui préféra à l'époque Molly Ringwald, l'égérie du Brat Pack et petite fiancée de l'Amérique des années 80. Mais l'actrice de The Breakfast Club refusa le rôle, finalement attribué à Moore. Quelques années plus tard, Molly Ringwald déclarera (et on la comprend) que refuser Ghost fut le plus gros regret de sa carrière... Quant à Demi Moore, son enthousiasme fut déterminant pour rendre le personnage de Molly aussi iconique : elle s'est en effet de sa propre initiative coupé les cheveux pour donner le style pixie que l'on peut voir à l'écran, alors que son personnage était présenté dans le scénario comme ayant les cheveux longs.

Un succès planétaire et jamais démenti

Après plusieurs mois de tournage, Ghost sort dans les salles obscures le 21 septembre 1990 aux États-Unis. Les critiques se montrent dans l'ensemble très positives, notamment en ce qui concerne la prestation de Whoopi Goldberg (préférée à Tina Turner) dans la peau de la fausse médium extralucide Oda Mae Brown. Mais c'est au niveau commercial que Ghost connaîtra un véritable carton inattendu. Sur un budget initial limité de 22 millions de dollars, le film de Zucker en récoltera 505 millions de recettes à travers le monde, soit le plus gros succès de l'année 1990. Avec 218 millions rien que sur le territoire américain, seul Maman j'ai raté l'avion fit mieux sur le territoire américain. En France, le film attira plus de 3 millions de spectateurs en salles, soit le dixième succès de l'année, battant tout de même Ripoux contre Ripoux, Total Recall, Tatie Danielle ou encore... Maman, j'ai raté l'avion.

La reconnaissance critique de Ghost interviendra dans les semaines qui suivirent lors de la saison des awards. Le film sera nommé en tout quatre fois aux Golden Globes et deux fois aux BAFTA, avant de s'imposer comme l'un des films les plus représentés aux Oscars avec cinq nominations, dont celle du meilleur film et de la meilleure bande-son pour Maurice Jarre, dont les compositions accompagnent notamment le célèbre Unchained Melody. À chaque fois, Whoopi Goldberg repartit des cérémonies avec la statuette de la meilleure actrice dans un second rôle. Ghost grappilla également un deuxième Oscar avec celui du meilleur scénario original, consacrant la persévérance de Bruce Joel Robin, près de vingt-cinq ans après sa première vision de Ghost au cours d'un bad trip...

Aujourd'hui encore, l'ombre de Ghost reste très présente au-dessus du cinéma et de la télévision, particulièrement aux États-Unis. On ne compte plus les parodies de la scène de poterie qui ont fait entrer la scène dans la légende du cinéma américain. Le film connut qui plus une adaptation sur scène sous la forme d'une comédie musicale, écrite une nouvelle fois par Rubin, qui a débuté en 2011 en Angleterre avant d'arriver à Broadway l'année suivante. Un remake japonais, Ghost : Mouichido Dakishimetai, est sorti dans les salles nippones en 2010 tandis qu'en 2013, un projet d'adaptation télévisée avait failli voir le jour sans connaître de suite. Et vue à la vitesse à laquelle les adaptations de film sur le petit écran se multiplient, l'idée est certainement loin d'être définitivement enterrée...

L'histoire de Ghost : Un soir, Sam, employé de banque, est tué lors d'une agression. Se relevant, il découvre qu'il est devenu fantôme : il voit et entend sa compagne Molly, mais ne peut communiquer avec elle. Il comprend que son assassinat à été organisé par son collègue et ami Carl, escroc démasqué depuis peu par Sam. Carl ayant besoin de codes d'accès à des comptes bancaires figurant sur un carnet caché cher Sam et Molly, la jeune femme est menacée. Pour l'avertir du danger, Sam fait appel à un médium, Oda Mae, arnaqueuse notoire, qui parvient toutefois, grâce à l'intervention de d'autres revenants, à avertir Molly.


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