Mis en ligne sur la plateforme cette semaine," Qui est Charlie ? Tout sur Mr. Sheen" explore les excès d'une star autodestructrice. Un récit fascinant, dans lequel l'acteur dit tout, sans tabou, polissant sa légende au fil d'anecdotes plus dingues les unes que les autres.
Jon Cryer, avec sa tête de Lex Luthor, ouvre les hostilités. "J'avais des cheveux quand j'ai commencé à jouer dans Mon Oncle Charlie… Vous voyez aujourd'hui ?!"
L'ex-acolyte de Charlie Sheen, à l'époque où Two and a Half Men était la série la plus regardée d'Amérique (et de loin), garde manifestement un souvenir très mitigé de sa collaboration avec son « frangin » de fiction. D'ailleurs, les deux ne sont plus en contact depuis longtemps, probablement depuis que Charlie a été viré manu militari de sa sitcom, à force d'excès en tout genre.
Au sommet de sa gloire, sur le toit d'Hollywood (il touchait environ 1,8 million de dollars par épisode lors des deux dernières saisons avant son licenciement), Charlie Sheen s'est autodétruit. Et selon Cryer, c'est un schéma que l'acteur n'a eu de cesse de répéter au fil de ces 40 dernières années.
Pourquoi ? Comment ? C'est ce qu'explore le fascinant documentaire Qui est Charlie ? Tout sur Mr. Sheen, réalisé par Andrew Renzi et qui sort cette semaine sur Netflix. Trois heures (découpées en deux épisodes de 90 minutes) pour comprendre comment Carlos Esteves (de son vrai nom) s'est brûlé les ailes, depuis sa participation mineure à La Folle Journée de Ferris Bueller (grâce à sa copine Jennifer Grey qui l'avait pistonné) jusqu'à la reconnaissance mondiale de Platoon (Oscar du Meilleur film), en passant par ses comédies phares des années 1990. Car au-delà de ses projets ciné ou télé, Charlie Sheen, c'est le scandale incarné à Hollywood : le meilleur client des tabloïds américains. Drogue, alcool, prostituées, mariages ratés et débauches XXL, l'acteur a brûlé la vie par les deux bouts et s'en explique ouvertement face à la caméra d'Andrew Renzi.
À 11 ans sur le tournage d’Apocalypse Now
Installé au fond de la banquette d’un diner — le restaurant Chips à Hawthorne, en Californie - Charlie Sheen se raconte.. Un grand déballage au cours duquel il assume tout. Dès le départ, il le clame : il n'y aura pas de tabou ! Aucun. Andrew Renzi peut lui parler de tout, sans détour. Le documentariste se lâche et explore chaque recoin de l’âme perturbée de la star. Il commence par son enfance, évoquant comment le fils de Martin Sheen a grandi à Malibu, faisant des bêtises avec le petit voisin Sean Penn. Charlie évoque l’atmosphère très libre de l’époque (ses parents ont eu une période nudiste à la maison…), mais aussi ses semaines passées sur le tournage d’Apocalypse Now, aux Philippines, alors qu'il n'avait que 11 ans. Il se souvient des séquelles que la production a laissées sur son père, totalement hagard en rentrant à la maison. L’influence du travail de Martin Sheen dans les années 1970 a été massive sur le petit Charlie et se décline à travers de nombreuses images de films Super 8 réalisés par Charlie avec ses frères et les copains du quartier. Andrew Renzi a largement recours à ces pellicules artisanales et hybrides des frères Estevez pour illustrer la vie de l’acteur dans son docu.
Sur la forme, Renzi et son équipe de montage reprennent la technique qui avait si bien fonctionné dans Still: A Michael J. Fox Movie, en assemblant des extraits issus des rôles de Sheen au cinéma et à la télévision pour reconstituer des éléments biographiques et montrer à quel point nombre de ses choix artistiques faisaient écho à sa propre vie. Un montage parfois tape-à-l’œil, ponctué de reconstitutions cadrées sous le menton dont on aurait pu se passer.
Nicolas Cage et le concours de bikini
Mais il fallait bien illustrer les propos de l'acteur. Car Sheen parle. Beaucoup. Lancé dans une mission confession face caméra, il livre une foule d’anecdotes complètement dingues. Tantôt c’est Clint Eastwood qui l’appelle pour le remettre dans le droit chemin, lors d’une intervention organisée par sa famille. Puis c’est un pilote qui lui laisse les commandes d'un avion de ligne alors qu’il était complètement ivre, en plein voyage de noces. Ou c’est Nicolas Cage - son pote de soirées énervées - qui l’emmène juger un concours de bikini à Palm Springs, le jour même où il devait partir en cure de désintox’... Et puis il avoue aussi avoir claqué des fortunes en call girls de luxe, assouvissant son addiction au sexe, et n’hésitant pas à envoyer en taule la mère maquerelle du service pour sauver ses fesses, quand la police a mis le holà.
Totalement maître de lui-même - après sept années de sobriété revendiquée - Charlie Sheen déroule devant Renzi ces décennies de gloire et de scandales, le nez dans la poudre. Factieux, ironique, l’œil étincelant à chaque évocation d’une bêtise passée, Charlie est un conteur de premier ordre. Au point où l’on en vient à douter de l’honnêteté de cette démarche de confession, subtilement polie pour entretenir la légende de ses excès. Clairement, tout n’est pas spontané dans cette introspection et les quelques regrets qu’il évoque restent à demi-mots. Le documentaire laisse même peu de place à la contradiction : les témoignages extérieurs restent très mesurés. Jon Cryer tente une analyse sans haine, son ex-femme Denise Richards pose quelques vérités, Sean Penn avoue qu’il était aussi drogué que lui, et la proxénète que Sheen avait envoyé en prison le traite de tous les noms, d’une manière dérisoire, presque pathétique...
Au fond, tout cela n’a pas vraiment d’importance. Le documentaire n’a pas vocation à pointer du doigt le côté sombre de l'acteur. Il se veut fun, débridé, surréaliste. À l’image de Charlie Sheen. On boit ses paroles et on se délecte de son récit sulfureux : la vie d’une star mondiale, d’une idole qui a profité de sa célébrité pour tout essayer, quitte à frôler le K.O. final à plusieurs reprises, régulièrement sauvée par l’amour de son père.
Et ses films dans tout ça ?
On notera que Martin Sheen (comme Emilio Estevez) a refusé de participer à ce documentaire glorifiant les 400 coups de son rejeton.
On regrettera aussi qu’Andrew Renzi laisse une place très limitée au septième art au milieu de toutes ces frasques. Chaque rôle marquant de Charlie Sheen est à peine effleuré, utilisé seulement pour contextualiser l’époque. Lui ne raconte jamais comment il est passé de soldat traumatisé du Vietnam dans Platoon ou de golden boy abîmé dans Wall Street à icône de l’humour loufoque, avec Hot Shots !, Mon Oncle Charlie ou Spin City. Ses confessions sont avant tout un moyen d’entretenir son aura trash et de montrer que Charlie Sheen a certainement été, au fond, le meilleur rôle de Carlos Estevez.







Commentaires