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Robert Downey Jr. dynamite le rôle dans ce film bourré d'action.

Fini la pipe et le chapeau mou. Guy Ritchie s'empare de Sherlock Holmes pour en faire un héros de blockbuster cockney. Vous avez dit trahison ?
Par Gaël Golhen

Depuis mercredi, le nouveau Sherlock Holmes est en salle. Loin des versions poussiéreuses de Rathbone ou Jeremy Brett, le film de Guy Ritchie dynamite l'icône de Baker Street avec l'aide d'un Downey Jr. en surchauffe. Le Sherlock Holmes 2.0 propose donc du fun, de l'action et... met les fans en colère. Depuis la sortie américaine, les réactions furieuses se sont multipliées, critiquant le pillage dont Doyle serait victime et la trahison absolue du mythe. En clair ? Sherlock Holmes est d'abord un héros de déduction, un héros cérébral qui passe sa vie au 221B Baker Street, à fumer la pipe et à jouer du violon. Chez Ritchie, il se bat, rigole ou évite les explosions.

Pour A.O. Scott, critique légendaire du New York Times, l'affaire est entendue : "soyons sérieux, l'intelligence n'a jamais fait partie des intérêts principaux de Guy Ritchie ni de ses principales qualités de réalisateur. Ritchie fait des films cool, à propos de gars cool qui font des trucs cool. Même s'il n'est pas souvent divertissant, Sherlock Holmes est donc un film cool. Et ça n'a rien d'un compliment ! C'est une trahison pure et simple". Pourtant les choses ne sont pas aussi simples que ça. Nous avons voulu en savoir plus et, posé la question à trois écrivains célèbres, fans du détective à la pipe.

Interrogé par nos soins, Michael Chabon est d'un avis exactement contraire. Chabon - couronné d'un prix Pulitzer, scénariste à ses heures perdues (Spider-Man 2) et grand fan de Sherlock Holmes - trouve plusieurs qualités au film : "OK, ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais c'est un film fun qui rebat les cartes du mythe. Holmes est un proto-superhéros, un vengeur de l'ère Victorienne". D'où une certaine légitimité à en faire un personnage très proche des héros de comics ! Chabon revient surtout sur l'un des principaux reproches fait au film de Ritchie : sa violence. "Le côté physique, très critiqué dans ce film, est présent dans les romans. Doyle a fait de Holmes un champion de boxe, un maître de la cannes et un génie du Baritsu, un art martial victorien très violent. Dans les romans, c'est un athlète hardcore ET un esthète et sur ce plan, Ritchie n'a rien inventé". Pour l'auteur de La solution finale (polar et relecture holmésienne), Ritchie se réapproprie en fait le mythe, s'éloigne d'une vision conservatrice du personnage pour faire la lumière sur des caractéristiques sous-exploitées.

Ce que confirme Duane Swierczynski, auteur des Crimes du Dr Watson : "C'est vrai que Downey Jr ressemble parfois un peu trop à John McClane (il escalade des tours, survit aux explosions...), mais j'ai adoré la manière dont le film remet les compteurs à zéro. Les puristes devraient se décoincer un peu : y en a marre du Holmes incarné par Jeremy Brett. Et j'aime bien l'idée que Ritchie se foute de l'intrigue pour se concentrer comme dans les romans sur les personnages (au fait, vous avez compris ce que la machine sous le Parlement était censée faire ?)."

Même son de cloche chez DOA, auteur du très bon Serpent aux milles coupures, sorti agréablement surpris de la projection: "C'est une lecture moderne très réussie. C'est un bon film de divertissement qui évite le glauque et les trahisons. Downey Jr incarne un héros un peu plus rentre-dedans que l'original, mais il ne faut pas perdre de vue que dans les romans, Holmes est un personnage extrême, qui aime explorer les bas-fonds de Londres et se déguiser". DOA relève surtout une belle idée du scénario : "Au début, Ritchie flirte avec le fantastique sans jamais y sombrer totalement. Il tourne autour du fantastique mais tout s'explique in fine de manière rationnelle et ça, c'est un bel hommage à Doyle qui était vraiment l'homme du rationnel".

Les 3 auteurs trouvent le casting parfait ("mention spéciale à Jude Law, très convaincant en Watson" précise DOA) et la mise en scène énergique. Reste le reproche du sous texte gay (qui a beaucoup fait pour la promo du film) : pour Swierczynski, "c'est drôle et bien vu", mais on retiendra plutôt l'analyse de DOA. L'écrivain rappelle que "les romans de Doyle racontent d'abord l'amitié très forte entre Holmes et Watson, un rapport d'exclusivité et de virilité absolue. Ceux qui parlent de sous texte gay n'ont sans doute jamais vécu ou jamais lu d'histoire d'amitié très forte, avec ce que ça comporte comme notion d'exclusivité et de non partage... Holmes et Watson, c'était ça". Elémentaire... On pense ce qu'on veut du film (quand même, un buddy movie sympa et bien foutu), mais les soupçons de trahison semblent tomber d'eux-mêmes.

Pour ou contre le Sherlock Holmes de Guy Ritchie ? [critiques]