Hier était lancée la première édition de ce festival qui veut "rassembler, émouvoir et faire réfléchir". Au programme, 13 jours 13 nuits en ouverture.
Philippe, le taxi qui nous emmène du centre-ville vers l'hotel a l'air de découvrir. "Ah mais c'est ça alors ? J'ai vu des petits gars qui sillonnaient la ville en parlant de Vincent Lindon et de Chabrol ! Je comprends mieux ! C'est super comme initiative". Il se marre, prend le rond-point, dépasse la quatre voies, réfléchit... "Mais c'est quoi au juste un film citoyen ?"
C'est donc grâce à Gold VTC qu'on aura été mis face à LA question qui tue. A vrai dire, on se l'était même pas posée... Alors, reprenons la question de Philippe : c'est quoi un film "citoyen" ? Un film engagé ? Un film militant ? Un film social ? Ou bien un film où le sujet prime sur la forme ? Hmmmm... On aurait bien aimé lui répondre, mais les trois heures de train, la chaleur et la situation au Moyen-Orient avait usé tout ce qui restait de notre bande-passante... Pas grave, des gens y ont pensé pour nous. Le réalisateur Frédéric Tellier et le journaliste Philippe Lemoine notamment qui ont lancé la première édition de ce festival parrainé par Ouest-France et qui s'annonce d'un autre genre.
On avait rendez-vous au Parc Lann pour la cérémonie d'ouverture. Dehors, la canicule approche et la ville suffoque sous un soleil de plomb. Heureusement, les salles offrent une fraîcheur bienvenue et l'ambiance est à la fête. "C'est pas fréquent un festival qui se lance sourit Nicole dans sa voiture - Nicole a bien voulu nous emmener au cinéma. Il faut un sacré courage pour se lancer dans une aventure pareille..." Ca c'est précisément ce que tout le monde racontait sur scène...
Tout commence par la rencontre entre Tellier et Lemoine. Le réalisateur de L'Affaire SK1, Sauver ou périr et Goliath - des films qui interrogent tous, à leur manière, les dysfonctionnements de notre société - portait depuis longtemps l'envie d'un festival qui mette en lumière le cinéma engagé. Pas forcément militant (c'est lui qui précise), mais réfléchi. Un cinéma qui pose des questions plutôt qu'il n'assène des réponses. Devant la salle comble, sur scène, l'émotion de Tellier et Lemoine est palpable. Pour le cinéaste, l'enjeu est clair : ces quelques jours doivent être l'occasion de proposer "des films et des séances pour se dire 'je ne serai pas seul, je ne serai plus seul'" et montrer "un cinéma qui pourrait changer notre regard sur le monde voire nous donner envie d'agir".
Pour Tellier, l'image peut en effet modifier le monde, en tout cas un bout du monde. Elle l'éclaire un petit peu, elle lui redonne un semblant d'ordre alors que le chaos menace. Pendant la soirée, il répètera plusieurs fois cette phrase entendue dans la bouche d'une petite fille lors d'un spectacle et qui résonne comme un vrai manifeste : "Croire que je peux changer le monde me donne envie d'en faire partie." Si c'est ça la mission de Ciné Citoyen, alors on signe immédiatement.
Philippe Lemoine, lui va à l'essentiel. Il a l'art de la synthèse et résume l'objectif en trois mots : "rassembler, émouvoir et faire réfléchir". Mais sans se prendre la tête.
Moments d'émotion
Ne pas se prendre la tête c'était un peu ce que l'on se disait en voyant défiler les invités. La marraine du festival, Emmanuelle Bercot, a par exemple livré un discours improvisé mais très émouvant. La réalisatrice de La Tête haute était visiblement touchée par la présence dans la salle d'Irène Frachon, la pneumologue qui avait révélé le scandale du Mediator. La vraie vie circulait donc bien dans la salle de cinoche : les vrais gens étaient à portée des stars, les héros anonymes célébrés par les icônes. Lemoine et Tellier ont ensuite rendu hommage à deux figures du cinéma engagé récemment disparues : Laurent Cantet et Yves Boisset. Une scène géniale d'Entre les murs rappelait le talent du premier, tandis que la puissance magnétique, rebelle et intransigeante de Patrick Dewaere dans Le Juge Fayard illustrait l'héritage du second.
Un film d'ouverture exemplaire
Ce fut ensuite au tour de 13 jours 13 nuits de prendre la lumière. Le choix de ce film de Martin Bourboulon avec Roschdy Zem et Lyna Khoudri pour inaugurer le festival n'est pas anodin. Derrière le spectacle et les péripéties d'action, derrière la pyrotechnie, le récit de cette exfiltration d'urgence organisée par le commandant Mohamed Bida à Kaboul en août 2021 s'interroge sur le déracinement, l'engagement, et même sur le rôle des médias via le personnage de la journaliste incarnée par Sidse Babett Knudsen.
D'une certaine manière, le film pourrait répondre à la question Gold. Un "cinéma citoyen" c'est peut-être ça : une œuvre qui n'a pas peur d'embrasser un sujet brûlant, mais qui réfléchit à la distance qu'elle doit prendre par rapport à lui. Un film qui sait être spectaculaire quand il faut, sans jamais être voyeuriste, indécent. Qui happe le spectateur sans se contenter de le secouer, qui cherche à lui faire vivre des émotions pour peut être faire naître une réflexion. Qui dévoile des histoires vertueuses aussi. Exactement ce que disait Lyna Khoudri sur scène lors d'un entretien avec le public à l'issue de la projection : "Certaines histoires méritent absolument d'être racontées expliquait l'actrice. Elles nous rappellent les moments d'héroïsme dont l'humanité est capable, ce courage, cette lucidité, cette empathie dont nous manquons cruellement dans ce que nous recevons au quotidien."
La soirée d'ouverture se poursuivit tard, sur le même mode : ça discutait, ça s'ouvrait aux autres, ça avait envie de refaire le monde comme le cinéma.
La compétition a commencé ce matin avec le film TKT sur le thème du harcèlement scolaire.
Il nous reste quatre jours et quelques oeuvres en compétitions pour essayer de savoir ce que c'est qu'un film citoyen. On a déjà un élément de réponse, mais aujourd'hui, c'était la journée Vincent Lindon. Il a le droit à une masterclasse et on projette En Guerre. Lui, ne fera pas dans le compromis. Citoyen et vénère, ça rime ?







Commentaires