Rayane Bensetti, Michael Youn et Ludovik au Festival de l'Alpe d'Huez
ABACA

L'an dernier, l'acteur/réalisateur signait une comédie déjantée, à voir ce soir sur W9.

Après Divorce Club en 2020, Michaël Youn a fait son grand retour avec BDE, début 2023 sur Prime Video et présenté hors compétition au festival de l'Alpe d'Huez juste avant cette diffusion en streaming. Une comédie dans laquelle quatre amis, qui se sont rencontrés dans les années 2000 lorsqu’ils étaient à la présidence du BDE du Nantes Institute of Business, se retrouvent vingt ans plus tard pour un week-end régressif à Val Thorens. Mais la fête dégénère quand ils tombent au milieu du Spring Break des 150 étudiants enragés de leur ancienne école...

Humour, mensonge, Lucky Luke et Rahan : rencontre avec Michaël Youn, pour patienter jusqu'à sa diffusion à la télévision, en ce jeudi soir.

Avec BDE, vous revenez à un humour plus potache, qui rappelle l'époque des 11 Commandements. Vous vouliez faire un film en réaction à Divorce Club ?
En fait, l'idée de BDE vient de ces vingt minutes de fête de Divorce Club qui étaient complètement folles. Je me suis dit que j'aimerais bien faire un film taré, mais du début jusqu'à la fin. Pour être tout à fait exact, ça me trottait dans la tête depuis un moment, mais le déclencheur a vraiment été Divorce Club.

On pense forcément à Nos Pires Voisins ou Projet X...
Bien sûr, ce sont des films qui m'ont marqué. Projet X, quand je le vois pour la première fois et que j'apprends qu'ils ont tourné ça en 27 jours, je me demande comment c'est possible. Les fêtes, l'excès, la sincérité, le côté organique des choses... C'est complètement fou. Donc évidemment, BDE est un film qui a digéré tout ça. Et pas que : je peux vous citer Apocalypse Now2001 : L'Odyssée de l'espace ou les films de Sergio Leone (Rires.) [BDE fait ouvertement des clins d'oeil à ces oeuvres, NDLR] J'aime le cinéma et je suis une éponge. Ces références sont complètement assumées.


Qu'est-ce que ça change de faire un film pour une plateforme ?
Je l'ai tourné exactement de la même façon que si c'était pour le cinéma. D'ailleurs, à la base, c'était un projet pour le grand écran. Prime Video nous a simplement proposé un peu plus d'argent, ce qui a permis de pouvoir financer le film sans avoir à faire encore des coupes. Mais qu'est-ce que ça peut changer dans sa réception ? Dur à dire. Ce qui est sûr, c'est que c'est un film qui est plus pour les 25-35 ans, même si je ne l'ai pas conçu pour une cible. Je n'aime pas parler de cinéma avec du vocabulaire de marketing, mais il est évident qu'un Marvel ne s'adresse pas au même public que les films de Xavier Dolan. Donc, avec BDE, j'ai sûrement une audience plus proche de celle des Onze Commandements ou de Pattaya qu'un public familial comme celui de Divorce Club. C'est ce qui me fait dire que BDE a complètement sa place sur une plateforme, peut-être même plus qu'au cinéma. Parce qu'on a aujourd'hui du mal à amener les jeunes spectateurs jusqu'à la salle. Il faut vraiment des projets événementiels, type Les Trois Mousquetaires ou Astérix pour qu'ils se déplacent. Et est-ce que BDE est film événementiel ? Je ne sais pas. C'est dur de dire "non", parce que c'est mon film (Rires.)

La question du public que le film vise est intéressante. On sent poindre dans BDE des questionnements autour de votre âge, de ce qu'on ne peut plus faire au bout d'un moment. Il y a quelque chose de presque nostalgique, pas loin du bilan...
Forcément, la conclusion ne peut pas être la même qu'au moment des 11 Commandements. J'ai pris de l'âge, j'ai évolué. Mais j'avais aussi envie de faire un film sur le mensonge. C'est un élément de ma vie qui est hyper important. Le mensonge est devenu un ami qui est tout le temps assis à côté de moi. Et en fait, je crois que ce n'est pas un super pote...

Vous voulez dire dans votre vie professionnelle ou personnelle ?
Dans ma vie tout court. Je mens beaucoup. Je ne suis pas le seul, hein, on fait tous ça, à différentes échelles : « Tu vas bien ? » « Oui, tout roule. » Alors qu'en fait ça ne va pas, mais je ne veux pas t'emmerder avec mes soucis ! J'avais envie de parler de ça, parce qu'on se sent plus léger quand on dit la vérité. Mais je ne me suis pas rendu compte tout de suite que ce personnage, en fait, c'était moi. C'est seulement au montage que j'ai eu l'illumination.

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Il y a aussi quelque chose autour du statut social et de la reconnaissance dans BDE. La façon dont on met tout ça en avant vis-à-vis de ses amis pour se sentir important. C'est un sujet qui vous interroge ?
(Silence) Je le vois avec mes potes de collège et de lycée. On se retrouve deux ou trois fois par ans et on ne parle que de ça. En tout cas, ils ne parlent que de ça. C'est... C'est triste, d'ailleurs. (Silence) C'est triste de se retrouver deux fois l'année, d'évoquer des souvenirs d'anciens combattants et de regarder qui a la dernière voiture. Ça parle beaucoup d'argent, comme si le fait d'en avoir t'évitait d'avoir tort. Il y a peu de conversations qui évoquent vraiment l'épanouissement, le fait de profiter de la vie... Alors, bien sûr, on parle aussi des enfants et leur éducation. Mais ça cause plus de fric que de bonheur (Silence).

Sur un tout autre sujet, vous travaillez toujours sur une série Lucky Luke ? 
Oui. C'est long. Et ça me va hein, ça veut dire que ça va être bien !

Vous êtes dans la phase d'écriture ?
Oui. Je n'ai pas d'idée de casting pour l'instant. Et l'écriture est compliquée parce qu'on veut éviter de tomber dans les mêmes travers que d'autres personnes talentueuses avant nous. On veut à la fois respecter l'oeuvre et proposer une histoire originale. Mais je crois qu'on a trouvé comment faire. Je peux même vous dévoiler un tout petit peu l'idée du scénario : Lucky Luke aurait - et je dis bien "aurait" - une fille. C'est le point de départ.

Et Rahan en film, c'est encore d'actualité ?
Ouais, j'ai terminé le scénario et on l'a fait circuler. Je crois que c'est le meilleur truc que j'ai écrit de toute ma vie. Mais je pense que ça a un peu le cul entre deux chaises. Rien qu'adapter Rahan, c'est compliqué. Alors en faire une comédie sur la préhistoire réalisée par Michaël Youn, ça fait beaucoup. C'est peut-être un peu vertigineux. Donc je crois que je vais retirer Rahan de l'équation et créer le tout premier super-héros. En faire une comédie, un peu parodique, qui se passe durant la préhistoire. J'ai envie de tenter de créer une franchise, quelque part entre Pixar et Astérix. Dit-il, très modestement (Rires.) Mais je le ferai, parce que c'est vraiment un film dont j'ai envie.

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