Adam Driver dans White Noise, de Noah Baumbach
Netflix

Rencontre avec le réalisateur new-yorkais, de retour sur Netflix, trois ans après Marriage Story, avec une comédie apocalyptique azimutée.

Quand avez-vous découvert White Noise (Bruit de fond en VF), le roman de Don DeLillo qui a inspiré ce nouveau film ?

Noah Baumbach : C’est un livre que j’ai toujours adoré. Je l’ai lu quelques années après sa sortie, dans les années 80, vers la fin de mon adolescence. Et je l’ai relu début 2020, quand la pandémie de Covid a frappé. Au moment de cette relecture, j’avais l’âge du héros du livre, Jack Gladney (joué par Adam Driver dans le film). Quand je l’avais lu plus jeune, dans les années 80, c’est mon père qui avait l’âge de Jack Gladney. Ça m’a donc mis dans une sorte d’humeur nostalgique. Le film est une adaptation, mais ma façon d’entrer dans ce monde, dans cette histoire, était donc quand même très personnelle.

C’est la première adaptation de votre carrière…

Oui. J’ai repensé à quelque chose que Brian De Palma avait dit un jour à propos de sa propre carrière : après avoir réalisé beaucoup de films nés d’idées originales, il avait atteint un point où il était plus intéressé par l’idée d’adapter d’autres sources afin, comme il disait, d’avoir d’autres voix dans sa tête que la sienne. Il s’est alors décrit comme un « réalisateur interprétatif ». En adaptant le livre de Don DeLillo, j’ai repensé à Brian, car je comprenais ce qu’il voulait dire : je trouvais moi aussi ma voix au sein d’une œuvre créée par un autre. Ça a débloqué des choses pour moi.

Quelle place ce film tient-il dans votre filmographie selon vous ?

C’est mon nouveau film, voilà la place qu’il tient dans ma filmographie ! J’essaye de ne pas réfléchir au sens qu’il pourrait avoir par rapport à tel ou tel autre film que j’ai pu faire dans le passé. De la même façon que quand j’écris un film, j’essaye juste d’écrire la meilleure histoire possible, sans penser à la mise en scène. Ce n’est qu’après avoir fini le scénario que je deviens réalisateur et qu’alors je cherche des solutions. Cela dit, j'ai eu avec ce film l'opportunité de faire des choses que je n'avais jamais faites dans mes films précédents. Pas parce que je n’en avais pas envie, mais parce que les histoires ne l’exigeaient pas. Ici, j’ai pu me confronter à des choses inédites, filmer d’une façon nouvelle.

Notre critique de White Noise

Il y a dans White Noise des éléments de thriller, de film catastrophe, comme si vous mettiez dans ce film tous les films que vous n’avez jamais faits…

C’est inhérent à l’histoire. White Noise parle de la confusion qui peut s’emparer de nous quand nous faisons soudain face à des situations que nous ne connaissons que par le cinéma ou la télévision. C’est ce qui arrive à cette famille soudain confrontée à la menace d’un nuage toxique. D’une certaine façon, c’est ce qui nous est également arrivé pendant la pandémie. On ne savait pas comment réagir alors… on a tous revu Contagion ! C’était notre façon d’affronter la situation. Dans le roman de Don DeLillo, comme dans le film, il y a cette idée que tous les genres du cinéma sont intriqués dans nos existences. Tu fais un cauchemar et ça t’évoquera un film d’horreur. Tu dois évacuer ta maison en urgence et tu auras l’impression d’être dans un film catastrophe. Je voulais en conséquence appliquer le langage de ces genres dans les moments où ça s’y prêtait.

C’est un film sur les films…

Disons, sur la place que les films et les images en général tiennent dans nos vies. Et sur le fait qu’on a tous parfois le sentiment de vivre dans un film.

White Noise respire une sorte d’excitation à faire du cinéma…

Oui, et le plaisir d’essayer des choses. Quand je faisais le film, j’étais d’ailleurs très content d’avoir eu l’idée de le faire !

Vous l’avez tourné comme si on était en 1985 ?

J’ai utilisé des techniques de l’époque, en effet, on a tourné en pellicule, au format anamorphique. Et on a privilégié les effets « en dur », on a vraiment fait se percuter un train et un camion… Mais je le vois d’abord comme un film moderne, d’aujourd’hui. Il aurait été très différent s’il avait été fait dans les années 80. Le livre date de 85, c’est un livre au temps présent mais qui essayait de se projeter dans le futur, tandis que le film, lui, est un film d’époque qui regarde rétrospectivement un monde où on essayait de se projeter dans le futur !

Tout en parlant d’aujourd’hui…

Exactement ! Ça crée un mélange assez intéressant…

Vous vous souvenez de l’état d’esprit du Noah Baumbach de 1985 ?

Hum… Probablement assez paumé. Cela dit, j’avais une idée fixe : j’étais un ado qui rêvait de faire du cinéma. Il y avait plein de nouveaux réalisateurs excitants qui faisaient leurs débuts à l’époque. Je vivais à Brooklyn et je prenais le métro pour aller à Manhattan voir Stranger than Paradise, Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, Blue Velvet, Blood Simple… C’était une période exaltante. Autant pour les cinéastes qui faisaient ces films que pour ceux qui rêvaient de faire du cinéma et que ces films inspiraient.

Votre gros clin d’œil au cinéma des années 80 dans White Noise, en l’occurrence, c’est la référence au panoramique circulaire de Blow Out de De Palma…

Oui, bien sûr. Brian méritait un hommage !

White Noise, de Noah Baumbach. Avec Adam Driver, Greta Gerwig, Don Cheadle… Sur Netflix le 30 décembre.