Premier teaser angoissant d'Alien Romulus, de Fede Alvarez
20th Century Studios

Le réalisateur Fede Álvarez était à Paris la semaine dernière pour teaser son Alien. On était là.

Sur la scène du Pathé Beaugrenelle, Fede Álvarez a l'air très content de lui, et à raison : il vient de réaliser le nouveau film de la saga Alien, et les premières images ont l'air d'avoir totalement conquis le public de journalistes présents. La salle a repris son souffle au bout de quatre séquences, pour une vingtaine de minutes de métrage, qui semblent encapsuler toute l'ambition de Fede -faire un Alien by the book, "revenir au premier film", comme il l'a expliqué dans la séquence de questions-réponses après les extraits, "tenter d'expliquer pourquoi il était encore si puissant"... Après deux prequels (Prometheus et Alien Covenant) tournés par Ridley Scott lui-même, Alien : Romulus est de nouveau un prequel mais plus précisement un interquel, situé cette fois entre Alien, le 8ème passager et Aliens, le retour. Ce n'est toujours pas Alien 5 (souvenez-vous, c'était le projet de Neill Blomkamp), mais c'est "le Alien bonus par le réalisateur du reboot ultra sanglant d'Evil Dead". Cet Alien-là devait d'ailleurs sortir en streaming sur Hulu avant que le distributeur ne change d'avis et lui donne l'honneur d'une sortie estivale.

Alien Romulus (2024)
Capture d'écran YouTube

Des choses étranges

Un groupe de six jeunes copains veulent se barrer de leur exoplanète d'origine (un monde qui a l'air, ambiance Alien oblige, moche et pluvieux à cause de la terraformation), et pour cela, ils décident de braquer une station spatiale apparemment abandonnée (la Romulus du titre). Et devinez ce qu'il y a dedans ? Le premier extrait montre la bande d'amis décollant de la planète à bord d'un vaisseau, et c'est un premier truc pas mal vu puisque le canon d'Alien montrait des débarquements, des atterrissages, des percées de nuages lourds d'orages pour atteindre la surface hostile as fuck. Ici, les héros -dont l'indispensable Cailee Spaeny (Civil War)- sortent de l'atmosphère pour découvrir, apparemment pour la première fois de leur vie, le soleil, et c'est une très belle scène (la photo est signée Galo Olivares, qui a assisté Alfonso Cuarón pour la photo de Roma).

Le second extrait les amène déjà dans la carcasse du Romulus. Après une petite session de pillage, les voilà confrontés aux cadavres de l'équipage, et surtout à une horde de facehuggers surgis de caissons de stockage. Nouvelle bonne idée : redonner une dangerosité réelle à ces saletés, déjà bien repoussantes à la base, mais lorsque le film leur donne l'avantage du nombre...

Dans le troisième extrait, "cette fois, c'est la guerre", ou plutôt c'est le moment de se casser -Navarro (Aileen Wu), la pilote du groupe, contaminée par un embryon d'alien, tente de fuir à bord de leur vaisseau mais ça ne sert surtout qu'à faire péter les stocks de carburant de la station. C'est le moment de placer l'un des money shots de l'excellent trailer dévoilé début juin, lorsque la pilote se scanne à l'aide d'une machine à rayons X portable et découvre la bestiole qui se loge dans son thorax. C'est surtout l'occasion, pour Alien Romulus de montrer avec un brin de roublardise ses muscles "authentiques", c'est-à-dire ses effets de maquettes spatiales et d'animatroniques sanglants garantis vintage.

Enfin, le dernier extrait montrait Tyler (Archie Renaux, vu dans la série Shadow and Bone) en train d'essayer de cramer un œuf alien en plongeant une arme électrique dedans. La chose à l'intérieur n'avait pas l'air contente, et c'était déjà la fin des extraits puisqu'on embrayait sur un nouveau teaser plus classique que le premier. Mais tout à fait efficace, à l'image de cette séquence qui montrait que Fede Álvarez semblait parfaitement avoir saisi la grammaire Alien sans oublier d'y injecter des trouvailles, comme ce moment où Andy (David Jonsson, de la série Industry), l'androïde synthétique, qui reboote au plein milieu d'une scène d'action et se retrouve figé au milieu de facehuggers... Il semble que ce sera plutôt à Noah Hawley de casser cette grammaire avec sa future série Alien, qu'on imagine bien tordue dans le goût du créateur de Legion.

Alien Romulus (2024)
Capture d'écran YouTube

"Vous souffrirez plus en les voyant mourir"

Si, au cours de la présentation, on a déclaré que Romulus était "le septième film de la saga" (oubliant au passage, et c'est sans doute de bonne guerre, les deux Alien Vs Predator de 2004 et 2007) et l'on n'a pas rappelé à Fede qu'il avait déjà succédé à David Fincher (en réalisant Millenium 2 en 2018, flop au box-office), on a pu mesurer que la maîtrise de la grammaire d'Alien par le cinéaste n'était pas une apparence : il semble également avoir parfaitement su contrôler son expérience au sein d'un film de studio. Normal que l'expérience Millenium 2 semble appartenir à une autre réalité. De retour sur scène après les extraits, le réalisateur a insisté sur l'importance du groupe de jeunes amis, au cœur d'Alien : Romulus : "En les rendant très sympathiques, comme ça, vous souffrirez plus en les voyant mourir", a-t-il plaisanté. C'est effectivement une idée originale dans la franchise, qui réunissait des ouvriers spatiaux, des scientifiques galactiques, des starship troopers à la gâchette facile -mais jamais une bande de potes qui rêvent de quitter leur caillou perdu dans l'espace.

Ceci dit, si Álvarez reconnaît que la franchise Alien est "une franchise de filmmakers", il a aussi souligné, de façon un peu paradoxale, qu'il devait "ôter son ego de l'équation" et ne pas faire "le Alien de Fede Álvarez", comme il y a eu le Alien de James Cameron, celui de David Fincher et celui de Jean-Pierre Jeunet. Mais, croyez-le sur parole, Fede n'a pas souffert comme Fincher ni comme Jeunet : "J'ai eu droit à une complète indépendance de la part du studio, et je suis uruguayen : croyez-moi, si ça avait merdé, je vous le dirai", a-t-il insisté en rigolant. Avant de tresser des louanges à Ridley Scott, qui a été "très respectueux" de son travail, lui laissant la capacité d'écrire le scénario (avec son fidèle comparse Rodo Sayagues, avec qui il a co-écrit tous ses films sauf Millenium 2) et lui donnant une grande liberté d'action. "Ridley était du genre à te dire "c'est à toi de voir" à chaque fois qu'on lui présentait quelque chose", a dit Fede. "Par exemple, il peut te dire "ce truc est merdique, mais c'est à toi de voir". Le réalisateur de Blade Runner -et producteur de ce Romulus- lui aurait surtout donné un conseil crucial : "Dans le doute, tu dois toujours mettre la barre plus haut, jamais l'abaisser" ("always elevate, never go down"). Ce qui permet de penser que la fin d'Alien : Romulus pourrait aussi bien nous surprendre que celle de son Evil Dead de 2013. Un final traumatisant, où Álvarez avait bien compris qu'il fallait pousser les compteurs au maximum pour rester dans l'histoire. Rendez-vous le 14 août à la sortie de la salle pour voir dans quel état il nous aura laissé.es.

Alien Romulus , de Fede Álvarez , avec Cailee Spaeny, Isabela Merced, David Jonsson... Sortie le 14 août