Ce qu’il faut voir en salles.
L’ÉVÉNEMENT
TERRIFIER 2 ★★★☆☆
De Damien Leone
L’essentiel
La figure horrifique du clown tueur poussée à l’extrême avec un budget riquiqui. Une farce gore euphorisante et assez irrésistible.
Pour à peine 35 000 dollars, Damien Leone réalisait en 2016 le premier Terrifier, slasher ultra gore sur un clown psychopathe et mutique, qui faisait un carnage la nuit d’Halloween. Jamais sorti chez nous, le film se refilait discrètement sous le manteau chez les amateurs éclairés d’horreur underground. Six ans plus tard, Leone se remet à l’ouvrage avec une suite encore plus sanglante. Entre Pennywise sous amphétamines et mime Marceau sadique, Art le clown revient d’entre les morts et prend cette fois pour cible une adolescente et son jeune frère, transformant ceux qui se trouvent sur son chemin en résidus de piñatas. Le film, généreux dans l’humour burlesque, fourmille d’idées cradingues avec un jusqu’au-boutisme gore tellement absurde qu’il en devient hilarant. Difficile, d’ailleurs, de voir Terrifier 2 autrement que comme une farce sanguinolente, qui n’a pas grand-chose à carrer de son scénario prétexte. Le plaisir est ici ailleurs, à la fois dans la perversité de sale gosse dont fait preuve Damien Leone et la trivialité avec laquelle il met en scène ses visions extrêmes.
François Léger
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
REWIND AND PLAY ★★★★☆
De Alain Gomis
En décembre 1969, Thelonious Monk poursuit une tournée européenne qui passe par Paris où il va se produire salle Pleyel. Malgré sa renommée internationale, le pianiste américain reste un génie incompris, un être à part, opaque, une personnalité inaccessible. Une fois les doigts posés sur un clavier, tout passe : la douleur, l’amour, la joie, l’angoisse… 69 donc, la télévision française entend soumettre Monk au format d’une émission avec son jeu du questions-réponses. Idée foireuse et foirée. Le cinéaste Alain Gomis (Fidélité) a récupéré les rushes de ce douloureux moment et parvient tout à la fois à démontrer l’implacable bêtise de la mécanique télévisuelle et à isoler le musicien pour en restituer la part mystérieuse. Après une diffusion sur Arte, ce film magnifique sort en salles. A sa vraie place.
Thomas Baurez
DE HUMANI CORPARIS FABRICA ★★★★☆
De Véréna Paravel et Lucien Castaing- Taylor
Si c’était Disney qui avait produit Il était une fois… la vie et que, coincé trente ans plus tard par sa stratégie de remakes live action, le studio se retrouvait à devoir en consacrer un à cette exploration animée du corps humain, voilà à quoi cela ressemblerait. Un docu hors norme, physiquement éprouvant, picturalement renversant, qui puise principalement sa matière dans des rushes d’endoscopies, donc des caméras miniatures employées lors d’opérations médicales (de l’œil, de l’intestin, de la verge…). En son off, les chirurgiens palabrent, plaisantent, taillent – littéralement – le bout de gras, et l’on en sort retourné, comme si le film avait planté ses bistouris dans nos propres entrailles, à la recherche d’une indicible frontière entre la vie et la charcuterie. Une “aventure intérieure” insoutenable, mystique, inoubliable.
Théo Ribeton
PREMIÈRE A AIME
LES CADORS ★★★☆☆
De Julien Guetta
Certes, la trame des Cadors peut paraître usée. L’histoire de deux frères que tout oppose : l’un rangé, marié, deux enfants, conducteur de bateaux ; l’autre, tonitruant, célibataire, chômeur et bagarreur pour peu qu’on dise du mal de son idole Renaud. Certes, on se doute d’emblée que chez l’un comme chez l’autre les apparences sont trompeuses, et que le plus solide des deux aura besoin de celui qui a toujours rêvé d’avoir une famille sans jamais avoir eu le courage de fonder la sienne pour que lui et les siens s’en sortent. Oui, on sait tout ça et pourtant dans ce deuxième long de Julien Guetta après Roulez jeunesse, on s’en moque. Parce qu’on prend un vrai plaisir à les voir retisser des liens au fond jamais détruits. Mais surtout grâce à l’alchimie entre ses deux interprètes, Grégoire Ludig et Jean- Paul Rouve, jouant sans cesse l’un avec l’autre, l’un pour l’autre et empêchant le film de s’abîmer dans le larmoyant facile.
Thierry Cheze
GRAND MARIN ★★★☆☆
De Dinara Droukarova
Découverte en 1989 dans Bouge pas, meurs, ressuscite, Dinara Droukarova signe son premier long de réalisatrice en adaptant le roman de Catherine Poulain publié en 2016. Et elle en campe aussi le personnage central qui a largué les amarres au sens propre comme au sens figuré pour vivre son rêve : pêcher sur les mers du Nord. Et ce film ressemble à la comédienne qu’elle est : pleine de mystère et d’une grande densité. Ce portrait de femme ne livre au fond jamais tous ses secrets, laisse le spectateur remplir les blancs, reste à bonne distance des blessures intimes et de l’incapacité de son héroïne à dire les choses. Et il célèbre le geste d’une femme qui fait le choix d’aller au bout de la liberté, malgré l’incompréhension des autres, y compris des plus tendres avec elle, avec la certitude qu’elle a plus à gagner qu’à perdre. Le tout dans un bel écrin de lumière composé par le chef op’ de Kaurismäki, Timo Salminen.
Thierry Cheze
THE NOVICE ★★★☆☆
De Lauren Hadaway
Inspirée par son expérience, Lauren Hadaway propose pour son premier long le portrait d’une jeune rameuse solitaire, prête à tout pour intégrer le meilleur équipage du club d’aviron de sa fac, alors que ni ses capacités physiques ni sa difficulté à tisser des liens avec autrui ne l’y prédisposent. Il y a du Whiplash ou du Black swan dans la manière dont la cinéaste parvient à faire ressentir physiquement la douleur inhérente au dépassement de soi. Le tout en créant une ambiance prenante, à la lisière du fantastique - comme si on ne savait jamais si son héroïne vivait, fantasmait ou cauchemardait ce qu’elle traverse - grâce à un remarquable travail sur l’image et le son, mais aussi et surtout à sa fascinante interprète, Isabelle Fuhrman, qui s’appuie ici intelligemment sur l’étrangeté émanant d’elle depuis Esther pour apporter un trouble captivant autour de son personnage. Une démonstration de force tout en finesse.
Thierry Cheze
LA LIGNE ★★★☆☆
De Ursula Meier
Le nouveau Ursula Meier (L’Enfant d’en haut) aurait pu être sous- titré « Le Fil ». Ce fil sur lequel évoluent ses personnages au bord d’une crise de nerfs qui surgit lors d’une ouverture magistrale où, dès lors, on se dit que dans cette famille que scrute la réalisatrice, tout peut arriver. Celle qui met le feu aux poudres s’appelle Margaret. Après avoir agressé violemment sa mère, elle se voit interdite d’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Ce qui ne fera évidemment qu’exacerber son désir de se rapprocher d’eux et de franchir cette frontière symbolisée par une ligne au sol. Margaret est incarnée par Stéphanie Blanchoud, co- autrice du scénario. Et pour jouer cette tension et cette violence- là, sans tomber dans le surjeu il faut des comédiens de haut vol. A l’instar de ses partenaires (Valeria Bruni- Tedeschi, India Hair…), Stéphanie Blanchoud en est une. Sa composition nous hante longtemps après être sorti de la salle.
Thierry Cheze
AU REVOIR LE BONHEUR ★★★☆☆
De Ken Scott
Quatre frères se retrouvent dans la maison familiale avec femmes et enfants pour honorer la mémoire du père récemment décédé. Lorsque l’urne funéraire est renversée, les conflits refont surface. Comme souvent chez Ken Scott (Starbuck) on commence sur le mode de la farce légère avant de basculer vers l’émotion et la mélancolie. C’est parfois trop prévisible, mais sa comédie familiale réchauffe souvent le cœur.
Pierre Lunn
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
L’ENVOL ★★☆☆☆
De Pietro Marcello
Drôle de conte paysan franchement daté par le texte et le décor, sans qu’on ne puisse jamais vraiment le résumer à une image d’Épinal bouillie au formol. Peu après la Grande Guerre, une jeune fille élevée par un ancien poilu, aimant mais bourru, rêve de voiles l’emportant au loin, qui prendront la forme d’un aviateur amoureux. Premier film en français de Marcello (Martin Eden), qui assume avec aplomb le goût d’avant, avec ces personnages sortis du réalisme poétique, ou d’un conte de Perrault, voire de Disney (la rencontre chantée pendant une baignade au lac : et pourquoi un choeur de petits oiseaux tant qu’on y est ?). La cuisine est réussie, le tableau est beau et vivant, mais on cherche tout de même en vain un pas de côté, une pointe d’ironie, une réponse à la question : pourquoi faire ça en 2023 ?
Théo Ribeton
CEUX DE LA NUIT ★★☆☆☆
De Sarah Leonor
Une semaine après le remarquable Les Survivants de Guillaume Renusson Sarah Leonor raconte - mais cette fois- ci par un documentaire - cette frontière franco- italienne que chaque nuit ou presque des hommes, des femmes, des enfants ayant fui leur territoire en guerre tente de franchir. Pour montrer leur invisibilité, surtout dans cette station de Montgenèvre extrêmement touristique, la réalisatrice choisit de privilégier les plans de nature et de raconter uniquement par le prisme de voix- off d'acteurs les actes héroïques et/ou tragiques de ces exilés. Le parti pris est fort, le travail sur le son remarquable mais tout cela a tendance à laisser un peu trop à distance, comme par peur d'être trop dans l'émotion.
Thierry Cheze
NATURAL LIGHT ★★☆☆☆
De Dénes Nagy
En 1943, alors que l’Allemagne occupe l’URSS, un paysan hongrois, enrôlé de force dans une unité spéciale, se retrouve à prendre la tête de celle- ci à la mort de son chef. Pour son premier long, Dénes Nagy scrute la part d’humanité qui peut subsister dans un tel enfer de boue et de sang. La mise en scène - primée à Berlin – est impressionnante mais le parti pris aride de l’ensemble (absence de dialogues, rythme volontairement lent) tient hélas artificiellement à distance.
Thierry Cheze
SWING RENDEZ- VOUS ★★☆☆☆
De Gérome Barry
Swing rendez-vous est un film charmant. Gentiment naïf, drôle, (pro-)romantique, antimoderne à souhait, presque lunaire, sinon perché. Un pur pastiche de Woody Allen. Avec Arielle Dombasle et Bernard Pivot en guest-stars. Seul (mais gros) hic, l’intrigue ne tient guère sur la longueur. Swing rendez-vous ralentit, radote, patauge. S’empêtre dans les clichés (alias le Parisien romantique rêvant d’amour et encore d’amour) dont il aurait voulu se rire. Gentillet.
Estelle Aubin
MA VILLE DEMAIN ★★☆☆☆
De Marie Montvuagnard, Caroline Dragacci et Mathieu Coffin
Clin d’œil au documentaire césarisé de Cyril Dion et Mélanie Laurent (Demain), Demain ma ville parcourt la région d’Annecy à la rencontre des acteurs du changement, au sein des collectivités territoriales et des associations locales. « Nous tous, ensemble », le slogan paraît naïf mais prend sens au fil des témoignages et des rencontres. On retiendra les regards éclairants et les visages inspirants, et surtout, la force du collectif qui aura permis de questionner nos choix et nos priorités.
Lou Hupel
PREMIÈRE N’A PAS AIME
L’IMMENSITA ★☆☆☆☆
De Emanuele Crialese
Dès sa première scène, ce film sonne faux. Dans un appartement romain, une mère et ses enfants se lancent dans une chorégraphie endiablée, censée exprimer leur fantaisie, un rapport au monde fantasque – mais la séquence est laborieuse, pataude. Le nouveau film d’Emanuele Crialese (Respiro) est le portrait croisé d’une mère de famille étouffant dans le confort bourgeois de la Rome des années 70 (Penélope Cruz) et de son aînée, Adri (Luana Giuliani), une ado qui refuse son assignation de genre. En zappant de l’une à l’autre, L’Immensita ne trouve jamais de centre de gravité, de sujet, donne l’impression de tout survoler, et se condamne à n’être qu’une chronique nostalgique seventies de plus. Le rôle de super mama que tient ici Penélope Cruz a beau avoir la particularité d’être en italien, il n’apportera rien de plus à sa gloire.
Frédéric Foubert
LES CYCLADES ★☆☆☆☆
De Marc Fitoussi
Marc Fitoussi sait souvent mettre sa belle naïveté au service de ses films, pastiches enfantins (Pauline détective) ou subtils contes moraux en ligne claire (La Ritournelle, Maman a tort), capables d’une profondeur inattendue. Oups, ce coup-ci, c’est loupé : Les Cyclades ne décolle jamais d’une dualité très simpliste (une fille fraîchement divorcée et contrite dans l’amertume part dans les îles grecques avec une pote d’enfance délurée censée lui redonner goût à la vie), que le film se propose de densifier mais qu’il ne fait en réalité qu’illustrer ad nauseam au fil de situations plus monotones et prévisibles qu’une météo ionienne en haute saison. Dommage pour Laure Calamy, qui mérite mieux que de jouer jusqu’à la tombe ce même rôle d’ado attardée, sa partition frisant ici le robotique.
Théo Ribeton
LES RASCALS ★☆☆☆☆
De Jimmy Laporal- Trésor
Le Paris 80’s se recréait sur nos écrans - petits (Le Monde de demain…) et grands (Nos frangins, Les Amandiers…) - dans un geste à la fois nostalgique et fataliste. La fête est, en effet, souvent plus belle à la lumière du souvenir mais porte aussi en elle, les prémices d’un désenchantement. Ces Rascals se tiennent, instables, sur cette ligne de crète. L’idée était de signer une fresque sur une jeunesse de banlieue parisienne métissée, brutalement confrontée à un phénomène de société : les combats entre bandes rivales dans le Paris des années Mitterrand. La barre a été visiblement placée trop haut. La mise en scène ne parvient jamais à s’affranchir des diktats du film d’époque avec une esthétique bien trop clean pour convaincre et un scénario binaire qui offre un final, au mieux maladroit, au pire, réducteur.
Thomas Baurez
Et aussi
L’Emprise du démon, de Oliver Park
Le Pari, de Baptiste Deturche
Thunivu, de H. Vinoth
Varisu, de Vamshi Paidipally
Veera Simha Reddy, de Gopichand Malieni
Waltair Veeraya, de K.S. Ravindra
Commentaires