"Un week end à mourir" comme le souligne la une de Libé ce lundi.
Rocard, Wiesel, Cimino, Bonnefoy... Mais la faucheuse qui ne respecte même plus les jours chômés (dimanche ou shabbat) en aura emporté d'autres, moins célèbres, moins stars, dont l'importance reste colossale. Un qui sera passé entre les gouttes des nécros par exemple, c'est Robin Hardy, mort samedi à l'age de 86 ans. Cinéaste britannique né dans le Surrey, Hardy commença à travailler au National Film Board of Canada et il signa des pubs ou des série télé toute sa vie. Mais il reste d’abord l'auteur d'un film culte. Un film qui suffit à retrouver son nom dans tous les bons dictionnaires du genre.
The Wicker Man est l'un des films d'horreur les plus étranges et les plus dingues jamais réalisés. A la fois comédie musicale faussement bucolique, film de trouille totalement maboule, manifeste post (anti?) hippie avec Britt Eckland dansant nue dans les champs doublé d'un cours de religions comparées, The Wicker Man est un OFNI.
L'homme d'un seul film
A l'origine il s'agit d'un script d'Anthony Shaffer (l'auteur du Limier de Mankiewicz). Passionné de mythe et de religion, Schaffer avait écrit un polar bizarroïde aux confins de l'horreur et du fantastique qui suivait le parcours d'un flic catholique et prude (Edward Woodward l'Equalizer) venu enquêter sur un meurtre étrange commis sur une île ecossaise ; sur place, il était conduit par les islais à une cérémonie menée par le gourou du coin (Christopher Lee - photo - relooké pattes d'eph-rouflaquettes dans ce qu’il considérait comme son meilleur rôle) et découvrait alors les rituels des habitants - leurs chansons et leurs masques, d'autres masques, et encore d'autres chansons. Jusqu'à ce qu'il tombe sur Britt Ekland (la plus belle femme des productions Hammer) qui se mettait nue et l'emmenait à un dernier rituel lui permettant de découvrir la vraie raison de sa présence sur cette île de fous...
Entre Le Prisonnier et Le Roi de coeur, cette curiosité mettait vraiment mal à l'aise et a depuis suscité un culte invraisemblable. Hardy restait dans l’ombre, mais son film a durablement fasciné. Tout ici était tordu. Les chansons écrites par Paul Giovanni, l'esthétique, la morale (impossible de savoir si le film était pro ou anti culte ou pro ou anti religieux), le point de vue. Comme tout bon film culte, The Wicker Man eut aussi une histoire de distribution malheureuse. Le film fut à l’origine produit par la British Lion, mais pendant le tournage, le studio fut racheté par EMI et le producteur Peter Snell remplacé par Michael Deeley. Ce dernier qui ne croyait pas au film fit tout pour le faire disparaître et Christopher Lee raconte même dans ses mémoires que le négatif aurait été abandonné dans une fosse commune pour ne jamais être monté selon le souhait du réalisateur.
Il aura fallu attendre plus de 30 ans avant de voir réapparaître la version longue du film...
Evidemment a-t-on envie de dire, Robin Hardy ne fut l'homme que de ce seul film. Culte pour toute une génération (Edgar Wright a toujours revendiqué Wicker Man comme le modèle d’Hot Fuzz et le film eut même droit à son indigent remake US). Il signa deux autres longs-métrages (The Fantaisist et The Wicker Tree), mais rien qui ne parvenait à se hisser à la hauteur de cette pépite étrange. Wicker Tree en 2011 était une tentative de suite de son thriller, mal écrite, mal pensée et pas très bien réalisée. Et en 2013, il essayait encore de monter - grâce à un crowdfunding - un troisième film sur les cultes, Wrath of God. En vain. Entre temps il avait écrit quelques romans historiques et accompagnait toutes les projections de son film, comme pour continuer de faire vivre The Wicker Man. Mais le géant d'osier avait brûlé depuis bien longtemps. Et Robin Hardy vient de rejoindre son film et son flic dans quelque paradis.
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