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Ce serait tentant de résumer la filmo de Tony Scott à Top Gun et True Romance - ce que d’ailleurs tout le monde a fait, nous les premiers. Et de crucifier le cinéaste pour ces deux morceaux de pelloches rutilantes qui fonçaient à toute blinde dans le mur du bon goût et ont établi le canon esthétique d'une forme de cinéma détestée... On peut aussi décider d'aller plus loin. Directement issu de la pub, Scott a en fait introduit l’explosion de la virtuosité high-tech, la viscéralité bourrine et une certaine forme d’avant-gardisme dans le cinéma de consommation. Moins intello que McTiernan, moins visionnaire que Cameron, Tony Scott pourrait être le troisième grand du blockbuster US des 80’s. Un cinéaste qui, à l’image de Michael Mann, tente la fusion entre mainstream et avant-garde et aurait pour héritier d'un côté Michael Bay (l'esthétique clippeuse) et de l'autre Paul Greengrass (le montage schizo) ou Meirelles. Mais relégué dans l’ombre de son frangin surdoué et de ses deux cartons infamants, il reste sous-estimé voire pire. Derrière les filtres rouges, les ritournelles de Moroder, les avions de chasse de l’US Air Force, la dinguerie tarantinienne ou les stars qui éclaboussaient l’écran (Tom Cruise, Val Kilmer, Christian Slater, Redford ou Brad Pitt) l’oeuvre de Scott fut pourtant plus complexe qu’une pub ray-ban. Retour sur ses films les plus marquants.

Tony Scott : "Je n'ai jamais eu de regret"

Les Prédateurs
On l’oublie souvent celui-là. Mais avant d’inventer l’esthétique du blockbuster Bruckheimer, Tony Scott ouvre sa filmo avec une oeuvre vénéneuse. Les Prédateurs est un sommet d’esthétique new wave et nervalienne où luxure, hémoglobine et héroïne tracent le sillon d’une odyssée du désir (et de la solitude). Le film raconte l’histoire d’amour entre une vampire (Catherine Deneuve) et une jeune chercheuse (Sarandon) qui pourrait lui sauver la vie. Si on s’en souvient surtout à cause de la scène de baise entre Sarandon et Deneuve, Scott s’affirme dès le premier plan comme un génie formel qui tente le mix étrange entre film de genre et cinéma arty. Avec son cast indie (Bowie et Deneuve), sa musique dark, Les Prédateurs reste un grand manifeste stylistique - un peu comme le Sixth Sense de Mann. De l’ouverture - au son du Bela Lugosi’s Dead du Bauhaus - jusqu’à la dernière image, Les Prédateurs forme un flot d’images et de sons organique où la musique et les visions remplaceraient la narration. Des volutes de fumée et des strobo de boite de nuit jaillissent des images iconiques qui ont défini les 80’s (Deneuve, la bouche béante et couverte de sang par exemple). Et l’on découvre surtout la volonté du cinéaste de casser le langage cinéma. Bizarrement, toute sa fin de carrière diluée dans la puissance de l’effet et de la violence du montage est contenu dans ce premier long.