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Le film d'action avec Nicolas Cage et John Travolté fête les vingt ans de sa sortie française aujourd'hui.

"C'est une histoire qui n'a de sens que si tu es complètement sous coke" : voilà comment les petits malins de Screen Junkies résumaient le pitch de Volte/Face dans leur honest trailer consacré au film d'action de John Woo, qui fête ses vingt ans ce mois-ci (le film est sorti le 10 septembre 1997 en France). Effectivement. C'est quand même l'histoire d'un agent du FBI qui échange son visage (!) avec celui de son pire ennemi, un terroriste psychopathe, afin de rentrer en contact avec le frère du méchant et lui faire avoier l'emplacement d'une méga-bombe. Voilà. Dit comme ça, ça paraît effectivement complètement nanar. Mais le film est beaucoup plus fort comme ça : un ride incroyable qui ne s'arrête jamais et vous emporte à la vitesse d'une balle de .45.

Dans un monde parallèle, Volte-face aurait pu être son projet initial : un film de pure science-fiction avec Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger qui changent de visage. C'était du moins l'idée des scénaristes Mike Werb et Michael Colleary lorsqu'ils font touner leur script à Hollywood au début des années 90. "Au départ, le film se passait à San Francisco après la guerre nucléaire, et la poursuite finale avait lieu sur le Golden Gate Bridge qui était cassé", déclarait John Woo à la sortie du film. Woo a engagé John Travolta avec qui il venait de faire Broken Arrow, et si les producteurs voulaient d'abord Alec Baldwin pour jouer Castor Troy, le réalisateur préfère engager Nicolas Cage. So long pour la réunion Stallone/Schwarzie, qui restera longtemps un fantasme de cinéma (il faudra attendre Expendables puis Evasion en 2013 pour les voir en face). Tant mieux : Volte-face s'envisage ainsi comme un véritable film de Woo et non un film-concept dont le pitch se résume à échanger le visage de deux superstars d'action. Volte-face est un véritable film d'action pure, dont la trajectoire épouse celle d'une balle : impossible à arrêter une fois la mise à feu déclenchée. Un classique du cinéma d'action 90s d'accord (pour Cage, Volte-face suit The Rock et précède Les Ailes de l'enfer) mais classique du cinéma tout court.

La séquence d'ouverture, sublime, se déroule autour de la rencontre d'un tir de sniper et d'un manège pour lancer le mouvement du film, sa dynamique. De fait, Volte-face ne s'arrêtera pas une seule seconde une fois son mouvement lancé, constammment relancé par le génie de Cage et Travolta -surtout lorsqu'ils échangent leurs visages, lorsque leur jeu transcende le postulat absurde de départ pour en faire une réflexion bouleversante sur le combat entre le Bien et le Mal qui agite l'homme en son cœur. C'est ce tourment, ce chaos qui est l'enjeu de cinéma de Volte-face. On connaît l'amour de Woo, en bon cinéaste catho, pour le mélo absolu, le plus pur (cf. l'ouverture et la fin de The Killer et le lieu de l'église comme arène de combat spirituelle), son idéal de préserver l'innocence, de le mettre à l'abri des balles. Lorsque le fils de Castor Troy traverse une fusillade en écoutant "Somewhere Over the Rainbow" tiré du Magicien d'Oz, il ne s'agit pas d'une coquetterie. Le Magicien d'Oz est le premier musical que Woo a vu, enfant, dans son quartier hanté de gangs violents. La scène -où des flics et des malfrats se truffent de plomb au ralenti avec la voix suave de Judy Garland- met le temps et la violence en apesanteur, avant que la mort ne s'abatte de nouveau. Volte-face est tout le temps ainsi, composé comme un grand opéra de la mort (l'art musical de King Hu est toujours la source de l'art wooesque) : truffé de morceaux de bravoure (même dans ses passages les plus nanars comme la prison d'Erewon), un geste de cinéma d'une force incroyable.

D'une force dans la continuité des chefs-d'oeuvre hong-kongais de Woo : The Killer s'achèvait sur l'ouverture du Messie de Haendel, là où Volte-face s'ouvre sur le choeur triomphant "Alléluia". Si les maladroits Chasse à l'homme et Broken Arrow étaient très loin d'être accomplis, Volte-face reste, vingt ans après, quelque chose comme la plus belle expression de l'art cinétique de Woo. Dans un entretien aux Cahiers du cinéma lors de la sortie du film, le cinéaste le qualifiait même de son film préféré, avec The Killer, Une balle dans la tête et A toute épreuve. Comme si Woo avait trouvé la forme parfaite de son art. Quelque chose comme une cathédrale.