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PHOTOS - Aaron Sorkin : "La mort de Philip Seymour Hoffman a sauvé dix vies"

Dimanche soir, nous vous apprenions la triste nouvelle de la mort du grand Philip Seymour Hoffman, l'acteur américain oscarisé pour Truman Capote en 2006, retrouvé sans vie dans son appartement de New York. Il avait 46 ans.D'après les premières constatations, l'acteur fétiche de Paul Thomas Anderson (avec qui il a tourné cinq films dont Boogie Nights, Magnolia, et récemment The Master) aurait succombé à une overdose d’héroïne (il a été retrouvé mort dans sa salle de bains, une seringue encore plantée dans le bras et plusieurs sachets d'héroïne vides à portée de main, selon les déclarations des forces de police appelées sur les lieux).Dès l'annonce de sa mort aussi soudaine que tragique, les premiers hommages ont fleuri sur les réseaux sociaux, suivis par celui de l'équipe de Hunger Games (il avait rejoint la saga avec Hunger Games : l'embrasement et il était en train de tourner le dernier épisode au moment de sa mort), avant que Gary Oldman (voir l'article) et George Clooney (voir l'article) y aillent eux aussi de leurs poignantes déclarations.Aujourd'hui, c'est le brillant scénariste Aaron Sorkin, auteur de la série A la Maison Blanche et Oscar du meilleur scénario en 2011 pour The Social Network de David Fincher, qui rend un vibrant hommage à l'acteur disparu avec qui il partageait un goût prononcé pour les substances illicites.Sérieux toxicomane pendant des années, Aaron Sorkin a pris sa plume toujours inspirée pour évoquer son ami (avec qui il a travaillé sur La Guerre selon Charlie Wilson et Le Stratège) et écrire un long texte publié sur le site du Time, dont nous vous proposons une traduction complète :"Phil Hoffman et moi avions deux choses en commun. Nous étions tous les deux pères de jeunes enfants, et nous étions tous les deux toxicomanes. Bien sûr, je connaissais le travail de Phil depuis longtemps - depuis ses débuts remarquables au cinéma dans le rôle d'un étudiant en prépa lâche et privilégié dans Le Temps d'un week-end - mais je ne l'avais jamais rencontré jusqu'à la première table ronde pour la lecture de La Guerre selon Charlie Wilson, dans lequel il incarnait Gust Avrakotos, un agent de la CIA de la classe ouvrière qui était tombé en disgrâce auprès de ses collègues de l'Ivy League. Un virage à 180 degrés.Pendant les pauses, lors des répétitions, il nous arrivait souvent de sortir du site de la Paramount où nous travaillions, et de nous retrouver pour échanger, se raconter des histoires. Il n'est pas rare d'avoir ce genre de mini-réunions entre Alcooliques Anonymes - les gens comme nous sont les seuls à qui les histoires les plus terribles ne font pas peur. "Ouais, j'avais l'habitude de faire ça." Je lui ai dit que je me sentais chanceux parce qu'aujourd'hui j'étais dégoûté et que j'avais peur d'utiliser des aiguilles. Il m'a conseillé de continuer à être dégoûté. Et il a ajouté : "Si l'un de nous meurt d'une overdose, probablement dix personnes qui étaient sur le point de faire la même chose vont y échapper." Il voulait dire par là que nos morts feraient sans doute la une des journaux mais peut-être qu'elles effraieraient quelqu'un de clean.C'est donc dans cet esprit que je voudrais ajouter ceci : Phil Hoffman, ce type classe, magnifique, cet acteur du tonnerre, qui n'a jamais cherché à exagérer l'un de ses rôles, mais qui a maîtrisé totalement les voies sur lesquelles ses personnages avançaient, n'est pas mort d'une overdose d'héroïne - il est mort de l'héroïne. Nous devrions arrêter de dire ça, sous-entendu que s'il avait pris la quantité appropriée alors tout irait bien.Il n'est pas mort parce qu'il a trop fait la fête ou parce qu'il était déprimé - il est mort parce qu'il était toxicomane et qu'il se droguait chaque semaine. Il laisse derrière lui un superbe héritage - son Willy Loman (personnage principal de Mort d'un commis voyageur qu'il a incarné, ndt) sur la même étagère que ceux de Lee J. Cobb et Dustin Hoffman (qui l'ont également campé, ndt), son Jamie Tyrone, son Truman Capote et son Oscar. Ajoutons à cela les 10 personnes qui étaient sur le point de mourir et qui viennent d'y échapper."Aaron Sorkin.ML