Arte fait son cinéma : de Sans filtre à Pacifiction, 9 nouveautés sont à voir en replay
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Il y a aussi Corsage, Il buco, Les Nuits de Mashhad, Plus que jamais (le dernier film de Gaspard Ulliel)...

Le festival en ligne Arte fait son cinéma revient cette année avec une sélection de neuf nouveautés en clair. Des films "forts et originaux", co-produits par la chaîne franco-allemande, "qui reflètent la foisonnante diversité du cinéma d'auteur". Voici la liste, ainsi que quelques détails et un extrait de la critique de Première pour chaque long métrage juste en dessous : Sans filtre, de Ruben Ostlund, Corsage, de Marie Kreutzer, Les Nuits de Mashhad, d'Ali Abbasi, Pacifiction – Tourment sur les îles, d'Albert Serra, Plus que jamais, d'Emily Atef, Varsovie 83, une affaire d'état, de Jan P. Matuszynski, Il buco, de Michelangelo Frammartino, La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh et enfin Vierge d'Albanie, de Bujar Alimani.

Diffusés depuis le 17 novembre dernier à la télévision, la sélection est à présent entièrement en ligne, disponible en replay gratuitement : les derniers à être programmés sont Il buco, dimanche à minuit 50, puis La Conspiration du Caire, à 21h.

Notez que ces films resteront programmés sur Arte.TV jusqu'à la mi décembre environ.

Tous les replays d'Arte fait son cinéma sont là

Sans filtre, de Ruben Östlund

Le réalisateur de The Square a gagné une deuxième Palme d’or pour Sans filtre (Triangle of Sadness), en 2022. Nous l'avions rencontré à Cannes à l'époque, peu de temps avant la disparition soudaine de sa jeune actrice principale, Charlbi Dean, entourée ici de Woody Harrelson et Harris Dickinson.

"Après l’art contemporain dans The Square, Östlund s’attaque ici à l’industrie du loisir, au consumérisme et à la vacuité des réseaux sociaux (entre autres), écrivait-on dans notre critique. Une parfaite Palme d'or en somme car au festival, Sans filtre a fait l’effet d’un scud satirique tiré en plein cœur du cirque cannois, dénonçant les vanités et les hypocrisies bourgeoises des élites. (...) L’ennui, c’est que sa farce s'étire exagérément à travers des séquences scandées de lents grincements, et qu’il étale des gags parfois éculés (tempête de vomi et torrents de caca) pour refaire le portrait du vide contemporain. Sans idéal de recours, Sans filtre finit par ronronner de son propre rictus..."


Ruben Östlund : "Sans filtre part d’une histoire qui m’est arrivée au Festival de Cannes"

Corsage, de Marie Kreutzer

Marie Kreutzer (We used to be cool, inédit chez nous) revisite la figure de Sissi dans un geste altier d’une modernité jamais étouffante. Et une fois encore, Vicky Krieps (Phantom Threads, Les Trois Mousquetaires d'Artagnan et Milady) y est exceptionnelle. C'est d'ailleurs elle qui a proposé de raconter cette histoire au cinéma à la réalisatrice. Tous les détails sont ici.


 

Les Nuits de Mashhad, d'Ali Abbasi

Après avoir marqué les festivaliers cannois grâce à l’étrange Borders (2018), Ali Abbasi s'est éloigné du fantastique pour raconter ici l'histoire du plus célèbre serial killer iranien. Un thriller très efficace pour celui qui vient de sortir The Apprentice, le film avec Sebastian Stan sur l'ascension de Donald Trump. Qui plus est porté par une comédienne exceptionnelle, Zar Amir Ebrahimi, qui a dû fuir son pays d'origine au moment de la sortie du film, sa vie étant menacée.


Ali Abbasi - Les Nuits de Mashhad : "Je suis inquiet pour mes acteurs qui vivent encore en Iran"

Pacifiction – Tourment sur les îles, d'Albert Serra

Si vous n'avez toujours pas vu le dernier bijou d'Albert Serra, qui a valu à Benoît Magimel son deuxième César en deux ans, cette séance de rattrapage est fortement recommandée. Première avait eu un coup de coeur pour ce film à sa sortie :

"Magimel, costard blanc de dandy exilé, verres fumés de star inquiète, est un Haut-Commissaire de la République basé à Tahiti. Héros d’un roman de Conrad ou Herman Melville échoué dans le présent. (...) Albert Serra observe cet homme et ce monde, en suspend. En fait d’observation, le cinéaste pénètre littéralement son âme et contamine les sens du spectateur. C’est de la poésie pure, du romantisme noir et baroudeur, où le grotesque qui affleure, désamorce toute pesanteur. Du cinéma moderne qui déjoue les figures imposées des scénarios illustrés. Immense comme son acteur principal."


Benoît Magimel - Pacifiction : "Si je sens bien la personne en face de moi, je fonce !"

Plus que jamais, d'Emily Atef

"Il est évidemment impossible de regarder ce film d’Emily Atef tel que la réalisatrice de Trois jours à Quiberon et ses interprètes Vicky Krieps et Gaspard Ulliel l’ont rêvé et tourné, écrivait-on en le découvrant, lui aussi à Cannes 2022. L’histoire d’Hélène et Mathieu, couple amoureux, percuté par la grave maladie d’Hélène et son choix de refuser de lutter contre la mort et de partir se ressourcer seule en Norvège qui sidère Mathieu. Car entre temps, Gaspard Ulliel s’en est brutalement allé et chaque scène où il apparaît si vibrant dans le rôle de celui qui va rester en vie et refuse la mort de celle qu’il aime nous renvoie à cette tragédie insupportable.

Mais il serait mensonger de circonscrire l’émotion intense qu’on ressent devant Plus que jamais à cela. La puissance sensible de cette variation autour de la fin de la vie va bien au-delà..."


Cannes 2022 - Vicky Krieps : "Travailler avec Emily Atef et Gaspard Ulliel a été très intuitif"

Varsovie 83, une affaire d'état, de Jan P. Matuszynski

Une plongée passionnante et étouffante dans la Pologne communiste du général Jaruzelski autour du meurtre d’un adolescent par des policiers. Une bavure qui a inspiré le cinéaste Jan P. Matuszynski (The Last Family), qui a expliqué : "L'unique raison pour laquelle l'affaire a ressurgi est la présence d'un témoin oculaire." 

"Et si un regard peut démentir une version officielle soudain extirpée de son angle mort, les récits ne peuvent plus s’accorder, analysait à sa sortie Première. Le film va dès lors battre au rythme de ce 'témoin oculaire', Jurek (Tomasz Zietek). L’espace, les êtres et les figures qui l’entourent vont bientôt lui renvoyer autre chose que ce qu’ils sont censés montrer. L’insidieuse paranoïa se met en place lentement."

Il buco, de Michelangelo Frammartino

Les amateurs de beaux paysages ne seront pas déçus, mais les autres ? Première n'avait pas été pleinement convaincu par ce film d'exploration.

"En 1961, un groupe de spéléologues s’avance dans les tréfonds d’une grotte inexplorée en Calabre. Entre documentaire et fiction, Michelangelo Frammartino reconstitue cette expédition au fil d’un film sensoriel qui ambitionne de faire ressentir aux spectateurs ce que vivent ces explorateurs comme la nature qui les entoure à l’air libre ou au fil de leur plongée souterraine.

Le Quattro volte, son précédent film, était déjà 'une contemplation contemplative' des paysages calabrais. (...) Comme si Frammartino contemplait ses propres images bien plus qu’il n’avait envie de les partager."

La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh

Tarik Saleh avait fait sensation avec Le Caire Confidentiel (2017), thriller poisseux situé sous l’ère Moubarak qui n’avait pas plu aux autorités l’obligeant à délocaliser son tournage au Maroc. Avec cette Conspiration du Caire, récompensé d’un Prix du scénario au festival de Cannes 2022, Saleh n’a même pas tenté de poser un pied dans un pays où il est désormais jugé "indésirable".

"C’est donc en Turquie qu’il s’est replié, expliquait-on en chroniquant son film. Il a, de son propre aveu, envisagé ce thriller d’espionnage comme un film de prison classique. Belle idée qu’il ne convertit qu’à moitié, la faute à un scénario (le Prix cannois reste un mystère) usant de trop grosses ficelles et certaines figures imposées pour pimenter un récit qui n’en avait pourtant pas besoin. Reste une mise en scène immersive d’une grande efficacité et cette impression fiévreuse du danger permanent."


 

Vierge d'Albanie, de Bujar Alimani

À la fin des années 1950, sous la dictature d’Enver Hoxha, la jeune Luana, pour échapper à la malédiction d’être née fille, choisit de devenir un homme.

Avec ce film, Arte propose une plongée au plus près de "ces femmes albanaises que la tradition autorise à changer de genre, à la seule condition qu'elles s’engagent sous serment à rester vierges. Tout à la fois prisonnière de codes ancestraux et de la terreur répressive d’une des pires dictatures communistes de la guerre froide, la rebelle Luana (formidable Rina Krasniqi), à laquelle le doux Agim a appris à lire, fait ce choix dans une ferme volonté d’émancipation."

Déconseillé aux moins de 16 ans, Vierges d'Albanie est visible entre 22h et 6h