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Cette comédie corrosive autour d’une grossesse non désirée est à voir sur Arte. Nous avions rencontré sa réalisatrice lors de sa sortie au cinéma.

Petit bijou venu de Norvège, Ninjababy est programmé ce mercredi sur Arte en deuxième partie de soirée, après Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles. Le film de Chantal Akerman durant 3h20, il sera diffusé très tard, à 00h10. Heureusement, il est déjà visible (et ce pour un mois) en streaming sur Arte.TV.

Ninjababy raconte l'histoire de Rakel, une jeune femme de 23 ans qui découvre qu'elle est tombée enceinte après un coup d'un soir... à deux mois et demi du terme ! Cette grossesse non désirée donne naissance à une comédie corrosive, loin des sempiternelles odes à la maternité triomphante. En colère contre ce corps qui l’a trahie, Rakel s’en libère en entamant un dialogue avec le futur rejeton, silhouette crayonnée et animée qui n’a pas sa langue dans sa poche et qu’elle seule peut voir. 

Nous avions pu en discuter avec sa réalisatrice, Yngvild Sve Flikke, lors de sa sortie en France, en 2022.

Comment est née l’idée de Ninjababy ?

Yngvild Sve Flikke: D’emblée, j’ai envisagé et imaginé ce film comme un voyage. J’avais envie de parler de grossesse, un état que j’ai connu moi- même deux fois, mais par le prisme de la comédie. La voie qui me paraissait la plus appropriée pour raconter les moments dingues, ces hauts et ces bas successifs par lesquels on passe dans cet état. Je trouvais que rien mieux que l’animation ne pourrait me permettre de le représenter avec précision. C’est à ce moment que je me suis souvenue de The Art of falling, le roman graphique d’Inga Sætre qui abordait directement ce sujet et je l’ai contactée pour qu’on construise ensemble Ninjababy à partir de son oeuvre. Si elle m’avait dit non, j’aurais abandonné le projet. Car seul son style d’animation pêchu allait pouvoir traduire en images avec le ton que j’avais envie d’employer pour cette histoire. A partir de là, un défi se posait malgré tout à moi. J’avais déjà utilisé l’animation dans des documentaires mais je ne savais si j’allais être capable de créer de toutes pièces un personnage animé et de l’intégrer à mon intrigue.

Comment avez-vous construit précisément ce personnage de futur "bébé" de votre héroïne, silhouette animée qui dialogue avec elle sans langue de bois et que bien évidemment elle seule peut voir ?

On a mis longtemps à le trouver. On est passé par plusieurs versions vraiment moches, très moches de fœtus… en jouant sur nos souvenirs de mamans. (rires) Et, au final, il a beaucoup plus une tête de bébé par rapport à ce que nous avions d’abord envisagé. Ce personnage était à nos yeux un pilier du film : on comptait sur lui pour apporter de l’humour certes mais aussi de l’émotion, afin que le public puisse s’y attacher. Tout cela a aussi joué sur les moments où on intègre ses passages à l’histoire et ce jusqu’à la salle de montage, où on a rajouté des scènes qu’Inga a dessinées car il y avait des manques…

Qu’est ce qui a le plus évolué entre le roman graphique et votre film ?

Sa conclusion car le roman graphique se termine juste après l’accouchement alors que je voulais pour ma part une fin qui me permette d’aller vraiment au bout des différents personnages. Mais aussi et surtout l’âge de l’héroïne. Dans le roman graphique, elle a 16 ans. Et que j’ai tout de suite expliqué à Inga que je souhaitais qu’elle soit plus âgée. Car je ne voulais pas d’un film qui traite de la grossesse adolescente mais pouvoir développer un personnage plus ambivalent, certes totalement adolescente dans son attitude extérieure – son quotidien totalement assumé, fait de glande et de coups d’un soir - mais plus mûre à l’intérieur pour que cette grossesse ait un impact sur elle et sa manière d’envisager son futur. Comme un accélérateur de particule. Mais rien de tout cela n’aurait pu prendre forme si on n’était pas tombée en casting sur Kristine Kujath Thorp qui a tout de suite compris ce personnage, ses humeurs, son comportement. C’est une actrice très intuitive. J’ai dû voir une centaine de comédiennes avant elle et je commençais à désespérer. C’est son tout premier long métrage. Et depuis, elle n’a pas arrêté d’enchaîner les films. Elle le mérite : c’est un talent brut.

Quel a été l’apport concret de votre co-scénariste Johan Fasting ?

Enorme en très peu de temps. J’ai eu besoin impérieux d’un co- scénariste car je travaillais en parallèle sur une mini- série, Heimebane. Johan a été d’une efficacité redoutable et lui aussi a tout de suite compris le film que j’avais en tête, l’idée que la comédie allait primer sur le drame, malgré le sujet délicat. Il a aussi permis de préciser le personnage de Ninjababy grâce à son regard neuf. Sans lui, le résultat final n’aurait pas été le même.

Par sa manière de jouer avec l’animation, votre film évoque le travail d’un Michel Gondry. Est-ce que cette référence a accompagné votre processus créatif ?

Si ce film s’inspire avant tout de mon expérience de devenir mère, Michel Gondry a en effet une influence majeure pour tout notre travail sur l’animation. Je suis une grande admiratrice du côté ludique de son cinéma. Et c’est ce vers quoi je voulais tendre pour Ninjababy