Se gaussant des anachronismes, cette belle et rebelle série victorienne pétille autant qu'elle amuse.
C'est un étrange mixe, souvent réjouissant, parfois déconcertant, que propose The Buccaneers, nouvelle série Apple TV+ qui vient d'être lancée - aussi en France sur Canal + (les trois premiers épisodes sont disponibles). Un drama de l'époque victorienne, qui joue avec les codes du genre avec une espièglerie pétillante, tout en assumant ses (très) nombreuses références.
Parce que The Buccaneers, c'est clairement la version Apple de Bridgerton (Netflix) couplé à The Gilded Age (HBO Max), sans oublier les inoxydables influences des classiques Gossip Girl ou Sex and the City. L'histoire se déroule en 1870. La famille St. George vient du petit peuple américain, mais a fait grassement fortune sur les marchés boursiers. Aujourd'hui, c'est jour de noces à New York. Tout le gratin est réuni pour célébrer le mariage de Conchita Closson avec un Lord Anglais. Le summum du chic. Dans la foulée, Conchita part vivre outre-Atlantique, dans la très conservatrice société de la reine Victoria, et la jeune fille, élevée dans des Etats-Unis nettement plus progressistes, a bien du mal à trouver sa place. Alors elle va faire venir ses copines. Les sœurs St. George (Nan et Jinny) et les sœurs Elmsworth (Lizzy et Mabel) débarquent à Londres. La bande de filles américaines n'est pas vraiment au fait de la bienséance de l'aristocratie britannique. Tout en se cherchant un mari au sang bleu, elles vont secouer la bonne société anglaise.
Anachronique jusqu'au bout des ongles, The Buccaneers s'éclate à faire du Bridgerton pop décomplexé. On retrouve la plupart des marqueurs incontournables du genre, à savoir la fameuse "saison" des bals de débutantes, où les jeunes filles en fleur tentent de séduire les bons partis. Il y a ces robes extraordinaires, ces costumes d'époque à couper le souffle, ce décorum clinquant et somptueux, et même ce fameux Duc qui n'en peut plus d'être courtisé pour son statut et qui fond pour la beauté fragile d'une facétieuse inconnue...
Oui, on a déjà vu ça quelque part. Mais The Buccaneers desserre le corset et sort des étouffantes conventions de la série victorienne traditionnelle, en optant pour une approche nettement plus délurée. Parsemée d'éléments féministes très improbables dans ce contexte historique, elle se gausse des inexactitudes pour se griser d'une peinture fantasmée de l’époque.
Évidemment, tout ça est très excessif. Quand Nan et ses copines font la fête en vidant des litres de champagne au fil d'une teuf sans limite, on a l'impression de voir Blair Waldorf lors d'une soirée mondaine déguisée. La dénonciation de la société patriarcale de l'époque en devient presque grotesque, autant que cette opposition grossièrement appuyée entre une Amérique qui vivrait avec son temps et une Europe qui serait restée bloquée dans un mode de vie archaïque.
Quelques énormités qu'on accepte volontiers, tant la série déborde de fougue et de charme. Produite avec un soin admirable, The Buccaneers s'enivre de cruels coups bas et de grandioses romances échevelées dans cette quête du meilleur parti, où la jeune Kristine Frøseth (révélée dans la série La Vérité sur l'affaire Harry Quebert) crève particulièrement l'écran.
The Buccaneers, saison 1 en 8 épisodes à voir depuis le 8 novembre 2023 sur Apple TV+.
Commentaires