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La mini-série diffusée à partir de ce soir sur France 3 prouve que la télé rend mieux justice au romancier que le cinéma.

« J’écris contre le cinéma » expliquait David Cornwell au Times à la fin des 60’s. Alors que dans les spy movies de l’époque la guerre froide ressemblait à des vacances au Bahamas, John Le Carré a construit ses romans contre ce qu’il voyait à l’écran, avec des vrais personnages et des vraies émotions… D’où ses enchâssement d’intrigues qui devaient mettre à l'épreuve le don de double-vue des héros (et surtout de Smiley) et la mise au point du style Le Carré : repli vers la pure littérature, densification du récit et rejet des simplifications nécessaires au monde du divertissement.

Les droits de ses bouquins sont longtemps restés dans les limbes. Mais les fils de l’auteur ont récemment récupéré le copyright et se sont lancés dans une industrialisation des adaptations en s’assurant d’une plate fidélité aux romans de papa. C’était le problème de Un homme très recherché de Corbijn et d’Un traître idéal, film lisse, ordonné et simpliste, qui synthétise mal un roman énervé et ambigu. Susanna White gomme les rapports de forces entre l’individu et les institutions, les interrogations sur l'honneur, les vieilles blessures et le dégoût de soi et perd la complexité des personnages à la fois traîtres et princes. Thomas Alfredson, réalisateur du chef d’œuvre mélancolique La Taupe et exception à la règle, l’avait bien compris : c’est en étant infidèle à l’écrivain (Smiley trop glam’, vision passéiste et enjeux minimalistes), en filmant le gris des âmes et des destins étriqués qu’il retrouvait l’attraction vénéneuse du maître.

Irréductible au format 90 mn, ses romans à triple fond sont donc un cauchemar pour les scénaristes cinéma. La dernière fois que l’on a vu une adaptation vraiment réussie de Le Carré, c’était en 1979 sur la BBC : la mini-série de John Irvin Tinker Tailor Soldier Spy avec son tempo languide, sa narration impressionniste et l’interprétation blafarde d’Alec Guinness est ce qu’on a fait de mieux dans le registre. 35 ans plus tard, la BBC récidive. The Night Manager, avec Hugh Laurie et Tom Hiddleston, est austère, lent, complexe. Typiquement british. Le storytelling et l’ambiance de cette série réalisée par Susanne Bier permettent de pénétrer le cœur de la machine Le Carré : des jeu d’échec planétaires et opaques où les pions sont des vies humaines, et où les relents de la pourriture mafieuse ou idéologique font sentir la vraie dynamique des enjeux contemporains. Sans oublier l’ironie et la violence froide du maître espion.

The Night Manager n'aura pas de saison 2

A découvrir ce soir à 20h55 sur France 3.