Mort à Venise de Luchino Visconti

 

Un compositeur vieillissant vient chercher à Venise une atmosphère propice à l'épanouissement de son art. N'y trouvant aucune inspiration, sa passion se réveille à la vue d'un jeune adolescent.

Adaptation libre de la nouvelle éponyme de Thomas Mann publiée en 1912. 

Mort à Venise sera diffusé à 20h50 sur Arte 

 

Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow 

 

La traque d’Oussama Ben Laden a préoccupé le monde et deux administrations présidentielles américaines durant plus d’une décennie. Mais au final, on doit sa capture à la résolution et au dévouement d’une petite équipe d’agents de la CIA. Leurs missions ont été exécutées dans le secret, mais certains détails ont depuis été rendus publiques. Les plus importants aspects de l’opération, dont le rôle central joué par cette poignée d’hommes et de femmes, sont portés pour la première fois à l’écran dans le nouveau film du tandem récompensé aux Oscars, Kathryn Bigelow (réalisatrice et productrice) et Mark Boal (scénariste et producteur).

Film d’espionnage b(o)urné sur la véritable opération de la CIA qui a mené à la liquidation d’Oussama Ben Laden, Zero Dark Thirty est un thriller qui commence sur le 11 septembre et s’achève sur la mort d’Oussama. Chapitré par les attentats islamistes, alternant scène de bureau et opération "on site", le film entretient d’évidents parallèles avec Argo (film-enquête + polar administratif). Mais la ressemblance avec le film de Ben et le vernis 70’s craquent vite et ZDT dévoile son drôle d’aspect déceptif. Ces 10 années de traque sont au fond une suite d’erreurs, de culs-de-sac déductifs, de puzzles de preuves manquantes qui anéantirait presque l'avidité du spectateur et celle de Maya s’il n’y avait un drôle de hasard (le courrier de Ben Laden repéré sur une vidéo) et l’étrange résolution finale. 40 minutes en temps réel dont les cibles sont deux ou trois hommes entourés de femmes et d'enfants. Après Démineurs, Kathryn Bigelow a donc choisi l'ambiguité pour raconter cette odyssée. Elle signe un film de guerre qui a l’audace de dépeindre les Américains non pas comme des gagneurs professionnels, mais comme un peuple sonné (comme l'héroïne) et prêt à TOUT pour assouvir sa soif de vengeance ; un actioner anti-spectaculaire ou plutôt un film d'art et dur qui raconterait le pacte faustien de l'Amérique avec ses propres agents. Plus qu'Argo finalement, on pense à Zodiac ou à certains Antonioni. ZDT enregistre l’histoire d’une déshumanisation progressive, d’une addiction qui n’aboutit pas à l’anéantissement du monstre mais à celui du chasseur. Les larmes de Jessica sonnent comme un retour au réel. Violent

Zero Dark Thirty à 22h40 sur Ciné + Premier 

 

La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino 

 

Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu « l’appareil humain » – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant.

Les mouvements de caméra virtuoses qui laissent le souffle court et les yeux exorbités ; le sens tétanisant du montage pop ; une pensée se déployant selon un rythme quasi hallucinatoire... Dès les premiers plans de La grande bellezza, on comprend que c’est gagné. La page This Must Be the Place est tournée, l’escapade new wave avec Sean Penn n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Paolo Sorrentino est de retour à la maison en compagnie de son acteur fétiche, le génial Toni Servillo, pour une nouvelle dérive mentale dans le cerveau en surchauffe d’un homme au soir de sa vie. Un fi lm jumeau d’Il divo ? En partie, oui, même si la rage punk qui animait le brûlot du cinéaste sur les magouilles de la Démocratie chrétienne est ici tempérée par l’empathie totale de Sorrentino pour son personnage, sorte de mix romain de Salinger et de Bret Easton Ellis, écrivain dandy qui vit sur le souvenir d’un chef-d’oeuvre écrit il y a quarante ans. À travers lui, ses déambulations mélancoliques, ses conversations baroques, ses ruminations amères, ses aphorismes cyniques, le metteur en scène observe une Italie post-Berlusconi en pleine déconfi ture culturelle et morale. Et c’est bien sûr tout sauf un hasard si Céline est cité en exergue. Comme l’auteur du Voyage au bout de la nuit, le cinéaste vomit la médiocrité de ses contemporains. Comme lui, il part au combat avec pour seule arme la suprématie de son style. En l’occurrence, un cortège de visions folles, d’embardées opératiques et de décrochages sensuels, à la fois hanté par la littérature et totalement électrisant, sans aucun équivalent dans le cinéma de la Péninsule (scusi, Nanni). Pour un peu, cette hauteur de vue esthétique, ce désespoir crépusculaire donneraient à La grande bellezza des allures de film somme, d’oeuvre testamentaire d’un vieux maître revenu de tout. Sauf que le « vieux maître » en question a 42 ans et pète manifestement la forme, exactement comme Fellini quand il tournait 8 ½... Et si on pense ici au créateur de La dolce vita et d’Intervista, ce n’est finalement pas tant pour le déchaînement bouffon et le défilé de saintes, de freaks et de putains, que parce que Sorrentino donne l’impression d’errer, seul, dans les décombres fumants de l’âge d’or du cinéma italien. En cela, il est raccord avec son alter ego incarné par Servillo, un homme obsédé par une chimère, un esthète à la recherche de l’idéal insaisissable qui donne son titre au fi lm. En bout de course, il finira par la trouver, et nous avec lui. « La grande beauté » ? Elle est là, sous nos yeux.

La Grande Bellezza, à suivre à 20h45 sur Ciné + Club