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Un auteur peut-il se réinventer dès son deuxième film ? Avec le carton de Sans un bruit, John Krasinski était devenu, aux yeux de l’industrie du moins, un cinéaste. Après un Sans un bruit 2 pas trop mal dans le genre -et sorti pile pour la réouverture des salles post-Covid- il essaie déjà de se réinventer, donc pour son troisième film seulement. On pourrait même dire : pour son deuxième film, tant Sans un bruit 2 était une redite efficace du premier.
OK, on reprend, plus simplement : Blue & compagnie, deuxième film de John Krasinski, veut explorer un tout autre territoire de cinéma que son survival post-apo devenu une lucrative franchise. Ce n’est qu’un trompe-l’œil, ceci dit : en racontant l’histoire d’une gamine partie à la rescousse des amis imaginaires délaissés par leurs enfants devenus adultes, Blue & compagnie n’est réellement intéressant lorsqu’il est sur le point de basculer vers le film d’horreur (la réplique "il nous faut de nouveaux enfants", prononcée par l’un des Amis Imaginaires, ne sonnerait pas faux dans la bouche de Freddy Krueger). Mais on dirait qu’il ne s’en rend même pas compte, qu’il se trompe lui-même, et se dit qu’il serait plus lucratif de tout miser vers le mélo, aussi pesant soit-il.
Multiplication de petits gimmicks d’arrière-plan (la BD Calvin et Hobbes avec son tigre en peluche imaginaire, le film Harvey et son lapin géant imaginaire) censés soutenir le propos, jeu somnambulique de Ryan Reynolds, pathos à tous les étages (l’imaginaire nous sauve, etc.) au son d’une mélodie entêtante de Michael Giacchino. C’est justement au niveau de la musique que se joue Blue & compagnie, dont le modèle est évidemment le Pixar de la grande époque : dans Là-haut, à la fin des fameuses cinq minutes d’introduction (la séquence désormais nommée "A Married Life", copiée presque plan par plan dans l'intro de Blue & compagnie), le ralentissement du leitmotiv signé Giacchino semblait indiquer la fin du film, qu’un nouveau récit commençait et qu’il ne pourrait pas à nouveau atteindre le sommet qu’il venait de gravir.
Dans Vice Versa, lors de la scène du patin à glace, le ralentissement met le studio Pixar face à l’émotion qu’il crée et manipule à son gré. Blue & compagnie repose énormément sur le leitmotiv de Giacchino, mis en boucle, étiré, ralenti, martelé jusqu’à ce qu’il ne produise, ou ne réinvente, plus rien.