-
C’est une vraie gueule de cinéma, vu chez Nabil Ayouch, Nadir Moknèche ou encore Jacques Audiard. Mais Faouzi Bensaïdi a d’autres cordes à son arc : l’écriture (Loin pour Téchiné) mais surtout, depuis 20 ans et Mille mois, la réalisation. Découvert à la Quinzaine des Cinéastes, Déserts est son cinquième long métrage de fiction et tout à la fois l’un des plus audacieux – scénaristiquement parlant – et l’un des plus emballants. Il débute comme un film à sketches à la loufoquerie très « coenienne ». On y suit deux pieds nickelés, employés d’une agence de recouvrement de Casablanca arpentant des villages pour soutirer de l’argent à des familles surendettées donc incapables de tout remboursement. L’absurde de la situation donne lieu à une succession de vignettes où l’humour, manié avec cette maestria- là, révèle toute la violence des situations. Puis, soudain, Déserts bifurque. Quand ce duo prend en charge un homme pour le conduire aux autorités en échange d’une récompense et que l’homme en question s’enfuit. Le film bascule alors de la comédie vers le western… poétique, abandonne totalement ses deux anti- héros pour suivre ce troisième homme, dont on va découvrir qu’il a été séparé de force de sa femme par un des prétendants de cette dernière, qui l'a ensuite obligée à l'épouser. Et ce revirement qui pourrait paraître bancal se déroule dans une fluidité totale, car fruit d’une même singularité, d’une même dinguerie douce pour explorer les deux faces d’une même pièce : la précarité et le patriarcat dominant, qui plombent la société marocaine. Epatant.