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Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    C’est au départ à peine perceptible. On croit même un temps à un souci de copie. Mais, plus les minutes du récit défilent dans la salle et plus les jours passent à l’écran, plus l’ingénieure du son, héroïne de ce premier long espagnol signé Juanjo Giménez Pena, découvre bel et bien un décalage entre les bruits autour d’elle et le moment où elle les perçoit. Ce point de départ aussi déstabilisant qu’original va donner naissance à un portrait de femme enfermée dans son mal- être, aussi réussi dans sa forme (la manière dont Juanjo Giménez Pena traduit cet handicap en termes de sons et de situations inventives – notamment une scène d’un romanesque échevelé mettant en scène l’homme qui l’aime) que dans le récit déployé autour des causes de cette panne des sensations auditives. Mais pour incarner un tel personnage où la plupart du temps tout ou presque passe par le regard au fil d’une histoire imaginée et construite comme un puzzle mental, il fallait une comédienne d’exception, capable de casser le carcan d’un concept purement cérébral pour le rendre puissamment émouvant et attachant. Et Marta Nieto (l’inoubliable mère du Madre de Rodrigo Sorogoyen) est de cette trempe- là. Elle livre ici une composition fascinante, par la multitude des sentiments contradictoires que son seul visage se révèle capable d’exprimer, sans jamais forcer le trait. Entre délicatesse et puissance, elle nous permet de ressentir physiquement ce que traverse son personnage et crève une fois encore l’écran !