Première
par Sylvestre Picard
1993 : Frida, une petite fille de 6 ans, vient de perdre ses parents. Elle est placée chez son oncle et sa tante, au cœur de la campagne catalane, pour y passer l'été. Malgré son sujet casse-gueule, le premier film de Carla Simón évite un double écueil : celui du mélo bien épais, et celui de la nostalgie 90s (pas de placement de tubes vintage, c'était pourtant l'été de "Runaway Train" de Soul Asylum). La grâce équilibriste d'Eté 93 tient au regard naturaliste de la caméra de Simón, qui reste constamment à hauteur d'enfant avec le recul nécessaire, sans polluer le jeu de ses deux jeunes actrices en y plaquant ses visions d'adulte. Se détachant d'une structure dramatique trop rigide, en fonctionnant comme l'observation à très bonne distance, ni trop proche ni trop lointaine, des relations entre les deux gamines -Laia Artigas et Paula Robles, 6 et 3 ans, étonnantes petites trouvailles qui ne semblent pas être perturbées par la présence de la caméra- le film s'envisage plus comme une épure documentaire que comme un sirupeux Grand chemin catalan. La cinéaste refuse l’extase esthétique : pas de soleil qui bave dans la caméra, pas de balades bucoliques dans la nature. Pas non plus d'esquive de la cruauté plus ou moins inconsciente des enfants comme des adultes. De la justesse avant toute chose. C'est ainsi que le film parvient subtilement à débusquer une émotion pure : comment le deuil le plus brutal qui soit ne finira plus qu'à être un mauvais souvenir d'enfance, comme les autres, perdu dans la chaleur d'un été brûlant, comme les autres.