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Get Out : la meilleure satire politico-horrifique depuis Carpenter
Et si l’horreur, la vraie, c’était d’être un Noir en Amérique ?
Dans son documentaire Le 13ème, Ava DuVernay expose la thèse glaçante selon laquelle le 13ème amendement de la Constitution des Etats-Unis – celui abolissant l’esclavage – n’était en réalité qu’un leurre, le pouvoir blanc ayant prolongé l’état de servitude des Noirs américains grâce au système carcéral. D’une certaine manière, Get Out est la déclinaison pop-corn de cette théorie. Une nouvelle et terrifiante métaphore de l’éternelle oppression des Afro-Américains, racontée depuis les rangs du mouvement Black Lives Matter, mais fondue dans un thriller paranoïaque convoquant les spectres d’Halloween, de La Nuit des Morts-Vivants et des Femmes de Stepford. Avec dans le rôle des méchants – attention, il y a un twist – non pas d’abominables flics « trumpistes » shootant les Noirs à bout portant, mais des libéraux bon teint qui « auraient bien voté une troisième fois pour Obama » et dissertent sur le post-racialisme en se faisant servir le thé par leurs domestiques sortis de La Case de l’Oncle Tom.
Défouloir
Racontant comment la visite d’un jeune Noir chez ses beaux-parents blancs tourne au fiasco, Get Out n’est au fond qu’une variation sur Devine qui vient dîner ?, hit de 1967 dans lequel Katharine Hepburn et Spencer Tracy soupiraient d’aise quand ils réalisaient que leur gendre Sydney Poitier se tenait en fait très bien à table. Et si vous trouvez qu’il y a quelque chose de totalement déprimant, voire de franchement révoltant, à encore faire des variations sur Devine qui vient dîner ? un demi-siècle après (on en est encore là ?), ça tombe bien : Jordan Peele est d’accord avec vous. Innervé par la colère, Get Out préfère pourtant s’envisager en un gigantesque et hilarant défouloir plutôt qu’en brûlot contestataire. C’est sa force, et sans doute la raison pour laquelle il ressemble à l’arrivée à ce parfait résumé du zeitgeist 2017, incontournable autant pour les fans de cinéma de genre en manque de proposition singulière, que pour les éditorialistes des pages société, qui vont plus s’éclater ici que devant Le Majordome ou Selma. On pourra ergoter sur quelques défauts de finition (le climax, un peu expédié), mais des films capables d’encapsuler aussi bien l’esprit du temps tout en procurant un plaisir pareil sont finalement assez rares. Donc précieux. Get Out ? Foncez !