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Il a Alzheimer, elle est gravement malade (cancer ?), ils végètent en plein quatrième âge et leurs enfants menacent de les hospitaliser. Inversant le mouvement de cette pente descendante - forcément descendante-, ces inséparables se font la malle dans leur vieux camping-car (le Leisure Seeker, titre original du film), direction Key West pour y visiter la maison d’Hemingway. Road-movie classique sans sortie de route scénaristique fracassante, L’échappée belle n’en est pas moins un étonnant voyage, parcouru d’une brise aussi tendre que déchirante. Suivant la Route One qui longe la côte Est (peu exploitée au cinéma, une vraie découverte), confrontés à chaque étape à une société qui leur échappe et qu’ils cherchent à fuir, Ella et John vont conjurer ce présent peu ragoutant en convoquant leur mémoire commune, comme si chaque kilomètre englouti effaçait sans douleur leur vie passée. En suivant leurs règles, pimpantes et désuètes, comme pour glisser en douceur vers l’au-delà. Cette chronique des contrastes n’est jamais amère et confère au film une nostalgie qui s’intensifie sans crier gare. Pour sa première incartade américaine, le réalisateur italien Paolo Virzi (Folles de joie, Les opportunistes) est verni. C’est que ce couple, ce sont Helen Mirren et Donald Sutherland qui lui prêtent vie. Chargés chacun de leurs magistral parcours qui leur permettent de surfer en mode diesel, ces bolides rutilants glissent comme des libellules sur la surface du film, amusés et gracieux, à la fois là et nous emportant ailleurs, superbes personnifications d’un adieu évaporé à la vie.