Première
par Christophe Narbonne
1971. Issue du monde paysan, Delphine a toujours aimé les filles en secret. Lorsqu’elle monte à Paris, pouvant enfin vivre sa sexualité à l’abri des ragots, elle tombe amoureuse de Carole, activiste au sein d’un MLF en train de bousculer le patriarcat. De son côté, alors qu’elle est en couple avec Manuel, Carole est troublée par Delphine. Et si Catherine Corsini avait réalisé "le Secret de Brokeback Mountain" lesbien ? Non seulement la question n’est pas absurde, mais elle est même corroborée par les détours d’un scénario épousant les contradictions des deux héroïnes – l’une homo et disponible, l’autre hétéro et engagée –, qui vont s’aimer à contretemps. Pulsionnel et charnel, solaire et tragique, porté par deux actrices décomplexées et en état de grâce, "La Belle Saison" se scinde en deux parties distinctes. Dans la première, la réalisatrice resitue le contexte agité des mouvements de libération des femmes. C’est là que va naître l’amour de Delphine et de Carole attisé par la lutte, la solidarité et l’impression que tout est possible, autant de thèmes que Catherine Corsini illustre au travers de séquences parfaitement dialoguées, euphorisantes, voire picaresques (la libération d’un ami gay interné dans un asile). Dans la seconde partie, c’est le retour sur Terre, ou plutôt à la terre, pour Delphine, forcée de choisir entre une vie prédestinée et l’inconnu qu’incarne la passion. Son indécision, convertie en souffrance chez Carole, procure une émotion indélébile.