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Récompensés à chacune de leur venue à Cannes, les frères Dardenne font partie du cercle fermé des cinéastes "bipalmés" -pour Rosetta et L’Enfant. La passe de trois est-elle possible ? On ne peut évidemment rien affirmer mais La Fille inconnue ne semble pas en mesure de la réaliser. Non pas que le film soit mineur, loin de là, mais cette année, la concurrence est particulièrement vive, s’agissant notamment des thématiques et des figures du cinéma dardennien. Sur le terrain de l’émotion pure, Toni Erdmann n’a pour l’instant pas d’équivalent. Sur celui du social et de l’immersion, American Honey et Ma’ Rosa apparaissent comme des propositions alternatives sérieuses. Quant aux portraits de femmes, la spécialité maison, la sélection en regorge : l’admirable retraitée d’Aquarius, la poignante Julieta, la working girl de Toni Erdmann, toutes rivalisent de complexité et d’ampleur, en attendant les héroïnes de Juste la fin du monde, The Neon Demon ou Elle.
Simplicité biblique
Jenny Davin exerce son métier de généraliste dans un quartier défavorisé de la banlieue de Liège. Rigoureuse et intègre, elle voit son quotidien bouleversé par la mort violente d’une jeune femme à qui elle n’a pas ouvert sa porte, un soir de fatigue. La jeune femme médecin n’aura alors de cesse de savoir qui était la victime. Le sujet est magnifique : il est question de culpabilité (autre grand thème cannois, cette année), de la façon dont on l’exorcise et dont on la transmet par maladresse ou par accident. Lors de son enquête, Jenny s’abaissera, puis se grandira, transformant ceux dont elle a croisé la route. C’est une trajectoire mystique, pour ne pas dire christique, que propose La Fille inconnue, film doux et brutal à la fois, simple et complexe, nouvelle plongée mystérieuse dans la psyché féminine que les Dardenne explorent avec leur savoir-faire habituel. C’est ce "métier" qui semble leur être reproché si l’on s’en fie aux premiers retours cannois. Leur vision nous semble cependant moins manichéenne et plus riche que celle d’un Ken Loach, par exemple. Un dernier mot sur Adèle Haenel : l’actrice des Combattants compose admirablement cette Jenny, accablée mais déterminée, digne héritière des Rosetta, Lorna et autres Sandra.
Toutes les critiques de La Fille inconnue
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le problème avec La Fille Inconnue, c’est qu’on a très vite l’impression que les Dardenne ont déjà fait plus beau, plus fort. Plus libre surtout, prisonniers d’un dispositif qui à force de réprimer les sentiments, asphyxie le spectateur autant que les interprètes.
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(...) le film manque par moments de cette tension qui portait leurs précédents travaux à leur point d’incandescence et créait ce sentiment d’urgence qui les rendaient essentiels. "La Fille inconnue" ne s’en situe pas moins à un niveau auquel peu de cinéastes peuvent prétendre.
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Tarabiscoté sans plus de raison que celle de conduire à un dénouement paroxystique (qui tombe de fait un peu à plat), le scénario finit par tarir le beau souffle du film.
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A défaut d’emballer leur récit à la mesure de leurs plus brillantes réussites passées qui tendaient déjà vers le film de genre, les cinéastes semblent dérouler leur lexique avec une sécheresse à l’os, avec un tranchant certain qui a pourtant tous les traits du service minimum (mais, dans leur cas, ce n’est déjà pas rien), sans guère se risquer à livrer les moyens de leur cinéma à la réflexivité qui innervait leur film précédent.
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Adèle Haenel laisse passer très peu de choses dans son jeu et coupe court à toute empathie avec son personnage. (...) Le récit se noie un peu dans des allers retours jusqu'à ce que la révélation finale nous laisse sur notre faim. Dommage.
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Mais les choix que le scénario l’entraîne à faire sont peu crédibles, et les personnages secondaires incarnés par Jérémie Renier ou Olivier Gourmet, dessinés à gros traits…