Première
par Frédéric Foubert
Sur le papier, Le Fondateur raconte une histoire géniale : comment, dans l’Amérique des années cinquante, deux sympathiques frangins californiens se firent voler leur idée de fast-food révolutionnaire par un voyageur de commerce envieux, qui fonda dans leur dos l’empire McDonald’s… Il y avait là matière à une fable retorse à la Social Network, une fresque US amère racontant comment l’esprit des pionniers a été dévoyé par l’ultra-libéralisme. Quelque chose comme le Citizen Kane du burger-frites. Tout est là, en friche, mais John Lee Hancock emballe son film de façon incroyablement neurasthénique, enchaînant les scènes explicatives, loupant les délices de la reconstitution fifties, se perdant dans des digressions interminables (on apprend qu’en plus de voler les bonnes idées des autres, le vilain Ray Kroc aimait aussi chiper leurs femmes). Sur un sujet proche, son précédent film, Dans l’ombre de Mary (qui racontait comment Walt Disney s’était battu bec et ongles pour s’approprier le copyright de Mary Poppins) avait dix fois plus d’allant. Reste la véritable attraction du film, Michael Keaton, toujours aussi étrange et inquiétant, assez remarquable dans sa détermination jusqu’au-boutiste (limite kamikaze) à ne jamais essayer de rendre sympathique ce VRP survolté de la sauce barbecue.