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Décalant quelque peu le titre du roman d’André Schwarz-Bart, Le Dernier des justes, tout en reprenant littéralement celui de l’essai de Jacques Derrida, la comédie de Noé Debré (scénariste prolifique et auteur de la série Parlement), s’articule autour d’une même intuition : l’idée fixe et cruciale d’une disparition annoncée. Si la saga de Schwarz-Bart s’achevait aux portes d’un camp de concentration, le présent film, chronique contemporaine, navigue dans des eaux plus calmes. Il y a pourtant une menace réelle, celle d’un antisémitisme que les évènements récents ont tragiquement rendu plus saillants encore. Le film se veut une histoire individuelle, celle de Bellisha (la révélation Michael Zindel), héros décontracté et lunaire, tragique et lucide, rêveur et charmeur. Chaplinesque en somme. Ce bientôt trentenaire cohabite avec Giselle, sa mère atrabilaire (Agnès Jaoui), inquiète de voir la communauté juive de Sarcelles réduite à peau de chagrin. « Tous ces noirs ! Où sont les arabes ? », insiste-t-elle effrayée. Bellisha dédramatise ce qui peut l’être, trompe l’angoisse maternelle comme autant de brèches à colmater. En dehors du petit deux pièces familial, une vie insouciante, limite inconséquente, traduit une forme d’anarchisme doux, celui de refuser ce qui va de soi. A travers l’itinéraire de cet anti-héros Noé Debré prend à bras le corps la violence sociale et culturelle qui plombe nos sociétés. Et à l’habituel circuit fermé, le cinéaste répond par une ouverture d’esprit d’une réelle intelligence.