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La suite de Mary Poppins avance à peu près masquée. L'illusion ne dure pas très longtemps, en fait. On se réjouissait que Le Retour de Mary Poppins accepte le fait qu'il se soit écoulé quarante ans depuis la sortie du premier film : Michael et Jane Banks sont devenus adultes et doivent faire face à la vente de la maison familiale de Cherry Tree Lane face à la cupidité des banquiers pendant la Grande dépression. Un bon angle d'attaque, donc, où l'histoire résonne avec l'actualité. Avec en plus un casting au CV légitime, 100% nourri au grain de Broadway, derrière et devant la caméra (Rob Marshall à la réal, Marc Shaiman à la musique, Lin-Manuel Miranda...), et la toujours géniale Emily Blunt pour reprendre le parapluie de nounou Poppins. Mais donc, l'illusion ne dure que peu de temps : Le Retour de Mary Poppins est un décalque tellement semblable au premier film qu'il ne s'en faut que de peu pour le confondre avec un des remakes de classiques dont Disney s'est fait une spécialité (très rentable) depuis Alice au Pays des merveilles en 2010. Le Retour de Mary Poppins est donc un décalque dans son script qui reprend les mêmes personnages sans grand changement, ni dans ses personnages ni dans ses moments-clés : Michael prend la place de son père comme papa banquier grognon ; il y a une séquence dans un monde animé ; une autre scène "sans dessus dessous" comme celle du rire au plafond du premier film... On pourrait continuer longtemps le bingo du copié-collé, et c'est dommage car c'est facile : Mary Poppins est un film adoré, vu, revu et appris par cœur et la copie n'a rien d'un tour de passe-passe facilement dissimulable.
C'est aussi dommage car cela étouffe les réelles qualités du film : ses chansons redoutablement catchy signées Shaiman, la séquence animée fabuleuse en termes de narration et de technique, et son casting vraiment dément qui rappelle que le studio d'Oncle Walt est imbattable sur le terrain du recrutement. Alors que Bert (Dick Van Dyke) était omniprésent dans le premier Mary Poppins, son clone/héritier Jack l'allumeur de réverbères est plus discret, moins écrasant et plus sobrement et justement incarné par Lin-Manuel Miranda. Emily Blunt est imbattable dans le verbe et dans le geste, tout comme Colin Firth est aussi génial en banquier lupin, charmant et carnassier, mais son personnage exprime le plus gros problème du Retour de Mary Poppins : sans trop spoiler, l'intrigue tourne autour d'un gros problème d'ordre monétaire (les Banks doivent sauver leur maison des griffes des rapaces de la finance) et elle sera résolue en tournant littéralement, radicalement et volontairement le dos à la morale du premier film. Dans l'ombre de Mary, le film de 2014 qui racontait le making of de Mary Poppins chez Disney, s'appelait en VO Saving Mister Banks : un peu modifié et traduit avec mauvais esprit, ça aurait pu être le sous-titre de ce Retour de Mary Poppins. "Sauvons les banquiers". Si cela vous paraît un peu rude, soyez prévenus que dans la suite il y a ce détail un peu flippant : on y court à la banque en passant devant une vieille dame qui nourrit les pigeons, sans aucun regard pour elle ni pour ses oiseaux. Un détail, certes, mais qui nous dit peut-être qu'en 2018 la priorité n'est plus du tout de nourrir les p'tits oiseaux.