Première
par Sylvestre Picard
Le Roman de Jim ? Le roman de Karim, plutôt. C'est lui le centre de gravité, l'axis mundi de ce film-roman (adapté d'ailleurs d'un livre de Pierric Bailly) qui s'étale sur des décennies, où les personnages changent en bien comme en mal, s'attirent et se quittent, inventent et réinventent constamment d'autres formes de famille. Et donc, au coeur de tout ça, Karim Leklou, qui est un type de star en soi. Pas la star dévorante qui écrase tout le cadre, mais celle que le film a désigné comme point d'ancrage, comme référent, comme incarnation physique (pas ce qu'il faisait, en somme, dans Bac Nord, où il tenait pourtant le meilleur rôle). On reprend : c'est le roman de Karim, le roman d'Aymeric (son personnage), apprenti photographe contrarié par un séjour en prison dans le Jura des 90s et se retrouve papa d'un enfant (le fameux Jim) qui n'est pas le sien. Pas une chronique sociale, pas un film à thèse, mais en fait un mélo (souvent marrant) qui donne à toutes celles et ceux qui sont passés devant la caméra une chance d'exister. Ça se fait sans doute au détriment de la folie habituelle des Larrieu, ici remise un peu hors champ (via le personnage de Laetitia Dosch, qui mériterait presque un film à elle toute seule) ou en tous cas à sa lisière (big up à Sara Giraudeau, prof et clubbeuse). En fait, plutôt qu'un « nouveau Larrieu » (souvenez-vous : leur précédent film, Tralala, était une épatante comédie musicale à Lourdes), Le Roman de Jim est une espèce de nouveau western : un film misant tout sur son héros, qui pense trouver sa voie dans l'Ouest, c'est-à-dire le monde (ou dans les rochers du Jura) tant qu'il gardera sa rectitude morale. En deux mots : très fort.